Vie pratique

Février 1964 : le crépuscule des hommes

L’ARCHIVE DU MOIS

À l’hiver 64, Roberte Frank lance une enquête dans les pages du Ligueur. Il est question du couple. Des rôles qui changent. De femmes qui s’émancipent. « Depuis trente ans, la femme a fait un bond en avant dans tous les domaines. Souvent plus instruite, plus capable, plus intéressée par tout ce qui l’entoure, ne serait-elle pas devenue moins passive, moins aveuglément confiante, plus exigeante ? ». Et la journaliste de poser des questions à ses lecteurs et lectrices sur le dialogue au sein du couple, sur la répartition des tâches, l’imposition des goûts et le leadership familial. Les réponses étant censées cerner la vie et les aspirations de l’épouse moderne.
En avril de la même année, Roberte Frank revient avec les lettres qu’elle a reçues depuis février. Elle en tire quelques articles, témoins d’une époque, farcis de déclarations révélatrices. « Il est roi chez lui dans les affaires extérieures ; je suis reine chez moi dans mon domaine. Nous nous intéressons vivement au royaume l’un de l’autre, bien que d’une incompétence absolue, lui en ménage, moi en affaire ». Une femme de médecin poursuit, « Je dois m’occuper seule de toutes les charges familiales. Je ne m’en plains pas, car j’aime m’occuper moi-même de nos enfants et du ménage ».
Mais ce simple bonheur du foyer n’est plus de mise chez certaines qui ne voient plus en leurs maris que des êtres égoïstes. « Mon mari s’occupe de faire rentrer les sous, un point, c’est tout. Toutes les responsabilités familiales sont pour moi ». Après avoir établi une liste de griefs, une maman conclut : « Cette lettre n’est pas un réquisitoire contre un mari que j’aime beaucoup et que j’admire, mais je voudrais tant qu’il s’occupe un peu de sa famille. Mes seules distractions sont l’écoute des programmes instructifs à la radio, car j’aimais l’étude et j’ai dû l’abandonner pour aider mes parents ».
Et l’émancipation dans tout ça ? Une épouse résignée l’appelle de tous ses vœux. « Il y a encore beaucoup à faire, j’espère que mes filles auront une vie plus heureuse que la mienne ». Encore du chemin à faire ? Effectivement, si on s’en réfère à ce mari dont la plume est trempée dans un vitriol très conservateur : « L’émancipation de la femme a brisé un nombre considérable de couples. Les droits ‘civils’ accordés à la femme laissent croire à beaucoup d’entre elles qu’elles ont maintenant tous les droits. (…) Beaucoup de femmes modernes ne sont plus qu’un agglomérat de revendications ». On n’ose imaginer la réaction de ce monsieur lorsque la Belgique, en 1976, consacrera l’égalité totale entre les époux et épouses.  

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