Vie pratique

Gestion de crise pour le budget énergie, une affaire de famille

La facture d’énergie flambe et impose aux familles de revoir drastiquement leur budget et leurs habitudes de consommation. Pour repenser les enveloppes, est-ce une bonne idée de s’attabler avec les enfants ou faut-il au contraire éviter de charger leur barque d’éco-anxiété ?

Mercredi 31 août, les Belges renouent avec le Comité de concertation. À l’ordre du jour : dégager des mesures afin d’alléger la facture d’énergie des ménages belges, frappés de plein fouet par la hausse des prix du gaz et de l’électricité. « Il n’y a pas de solution miracle », déclare d’emblée le Premier ministre à la suite du Codeco.
Via une publication Facebook postée dans le même temps, Arnaud Ruyssen, journaliste et présentateur de l’émission radio Déclic diffusée sur La Première en radio et sur la Trois en télé cherchait au sein de sa communauté des familles capables de témoigner des difficultés à boucler les fins de mois au vu de la crise énergétique. Parmi les dizaines de répondant·es, plusieurs pistes de solutions se dégagent.
Entre isolation et installation photovoltaïque, un commentaire signé par Sandra nous interpelle : « Avec mon mari, on a eu l’idée d’organiser un conseil de famille, histoire de sensibiliser nos enfants et de réfléchir tous ensemble à la refonte du budget et à comment nous allons pouvoir consommer raisonnablement. Électricité, alimentation, chauffage. Il faut qu’ils soient partenaires de ces changements à venir ».
Et pour les citoyen·nes, pour les familles, quoi de neuf ? Lors du Codeco, le gouvernement fédéral a annoncé prolonger, jusqu’au 31 mars 2023, le portefeuille de mesures de soutien déjà en vigueur, telles que l’extension du tarif social, la réduction des accises sur les carburants à la pompe, la TVA à 6% sur le gaz et l’électricité ainsi que la mesure de compensation financière pour le mazout. Mais, pour beaucoup, ce n’est pas assez.
En avril dernier déjà, en raison de l'inflation, la Fondation Pelicano, qui lutte contre la précarité infantile, constatait que le budget de référence d’une famille pour participer pleinement à la vie en société avait sensiblement augmenté. Pour les ménages les plus précaires, la hausse des prix de l'énergie oblige à raboter les enveloppes habituellement dédiées aux activités parascolaires, aux dépenses en vêtements et aux relations sociales.

Tou·tes concerné·es !

« Ces hausses touchent de façon forte de nombreuses familles, et pas seulement les familles les plus précaires », précise Sandra. Cette quadragénaire habite le Brabant wallon, est maman de trois enfants de 13 à 17 ans et estime, globalement, faire partie des moins vulnérables. « Je pense que notre tribu de cinq personnes est assez représentative de la classe moyenne belge qui est aujourd’hui également impactée par les hausses des prix énergétiques. Nous savons que nous n’allons plus pouvoir tenir les mêmes comptes qu’auparavant. Nous sommes devenus attentifs à chaque dépense, qu’elle soit économique ou énergétique ».

Réfléchir le budget tou·tes ensemble

Initiative inspirante, l’envie de cette maman est surtout de faire comprendre de manière constructive et dans une approche pratico-pratique comment la hausse des prix de l’énergie va modifier les habitudes de ses enfants. « En tant que psychologue, j’accompagne des familles en difficulté. Mon travail consiste surtout à rétablir le dialogue parents-enfants et à recréer des rituels familiaux. C’est grâce à ça que l’idée a germé chez nous et qu’on a décidé de mettre en place une sorte de conseil familial. Tout le monde se rassemble autour de la table et on discute de ce qui se passe bien, de ce qu’on veut adapter. Le conseil de ce dimanche va porter sur l’énergie. Dans le contexte qui nous occupe, nous voulons leur expliquer pourquoi l’énergie va coûter de plus en plus cher et par conséquent, pourquoi il va être indispensable de faire des économies. Mais nous voulons absolument éviter de mettre l’accent sur le négatif, voire pire, d’engendrer un climat plus anxiogène qu’il ne l’est déjà. Ce qu’on souhaite faire, c’est réfléchir tous ensemble à de nouvelles enveloppes budgétaires et à leurs applications au quotidien ».
Terminer le frigo avant de retourner s’approvisionner, rentabiliser l’abonnement de transports en commun au lieu de téléphoner à maman pour qu’elle vienne à l’école, revendre de vieux vêtements pour se faire plaisir avec l’argent récolté… Comme l’explique Sandra, c’est en encourageant ces actions qu’elle espère insuffler à ses enfants des pratiques qui, à l’échelle d’une famille, génèrent pas mal d’économies.
« Cela reste un pari car je ne sais pas s’ils vont comprendre que le coût évolue autant, poursuit-elle. Je leur dis depuis plusieurs semaines que nous allons nous en sortir, mais qu’il va falloir faire bien plus attention. Je veux les aider et les conscientiser maintenant, car, pour moi, c’est aussi une manière d’assurer leur avenir. Lorsqu’ils seront adultes, ils devront vivre dans d’autres conditions que les nôtres, peut-être avec des contraintes drastiques en termes d’utilisation du réseau électrique et des énergies. »

« Leur épargner ces préoccupations, ce n’est pas les préserver mais plutôt les mettre sous cloche »

Terminer le frigo avant de retourner s’approvisionner, rentabiliser l’abonnement de transports en commun au lieu de téléphoner à maman pour qu’elle vienne à l’école, revendre de vieux vêtements pour se faire plaisir avec l’argent récolté… Comme l’explique Sandra, c’est en encourageant ces actions qu’elle espère insuffler à ses enfants des pratiques qui, à l’échelle d’une famille, génèrent pas mal d’économies.
« Cela reste un pari car je ne sais pas s’ils vont comprendre que le coût évolue autant, poursuit-elle. Je leur dis depuis plusieurs semaines que nous allons nous en sortir, mais qu’il va falloir faire bien plus attention. Je veux les aider et les conscientiser maintenant, car, pour moi, c’est aussi une manière d’assurer leur avenir. Lorsqu’ils seront adultes, ils devront vivre dans d’autres conditions que les nôtres, peut-être avec des contraintes drastiques en termes d’utilisation du réseau électrique et des énergies. »

Les enfants ne sont pas naïfs

Sans broyer du noir ou nourrir les germes d’une éventuelle éco-anxiété, comment informer nos enfants sur le contexte énergétique ? Pour Isabelle Roskam, professeure en psychologie du développement de l’enfant et en parentalité à l’UCLouvain, il faut impliquer les enfants dans la discussion.
« Nous ne disposons pas d’études scientifiques précises qui permettent d’objectiver si oui ou non, le fait d’impliquer les enfants dans les discussions sur le coût de l’énergie impacte leur anxiété, mais nous pouvons nous baser sur nos connaissances en termes de développement de l’enfant. Certains parents pensent qu’il faut les préserver à tout prix, mais les enfants ne sont pas des êtres naïfs. Que ce soit dans le cadre scolaire ou extrascolaire, leur professeur·e va leur demander d’enfiler un pull supplémentaire pour diminuer un peu le chauffage, on va leur rappeler de bien éteindre les lumières en sortant des locaux. Lorsque quelque chose change dans leur environnement, les plus jeunes sentent que cela préoccupe les adultes. La différence avec nous est qu’ils n’ont pas les moyens de poser de mots sur ces inquiétudes. Le risque que l’on prend à éviter d’aborder ces questions avec eux, c’est de créer davantage d’anxiété. Aujourd’hui, nous savons que la crise énergétique ne va pas être passagère. Leur épargner ces préoccupations, ce n’est pas les préserver, mais plutôt les mettre sous cloche. »

Associer les enfants à l’effort familial

En Belgique, nous sommes très prudes lorsque l’on parle d’argent. Alors avec les enfants, dire ce que papa ou maman gagne, pas question. « Pourtant, si on aborde le sujet de manière pragmatique en estimant l’argent mensuel qui rentre au sein du ménage, ce que la maison consomme et coûte en matière d’énergie, l’enfant peut se faire une idée et comparer, insiste Isabelle Roskam. On peut ensuite l’impliquer dans les décisions et lui demander ce qu’il ferait s’il devait réorganiser les enveloppes du budget familial. Est-ce qu’il piocherait plutôt dans celle de l’alimentation ou des loisirs ? Toujours en donnant des exemples concrets et des estimations chiffrées. À l’échelle des parents, c’est aussi un moyen de reprendre le contrôle sur une situation qui, dès lors que tout le monde œuvre à trouver des solutions, devient véritablement une problématique familiale. Les enfants sont parfois plus prêts qu’on ne le croit à faire quelque sacrifices ».

EN PRATIQUE

Des petits gestes pour alléger la facture

En dehors des classiques, comme éteindre la lumière avant de quitter une pièce ou couper l’eau lors du savonnage, Jonas Moerman, conseiller au sein de l’asbl écoconso, propose une série d’actions significatives à hauteur d’enfant et à appliquer pour toute la famille.
« Le pôle le plus important concerne le chauffage. L’enfant peut s’habituer à le couper la nuit et lorsqu’il n’est pas dans sa chambre (- 420€/an*). On peut installer une butée sur la vanne de son radiateur ou mettre un petit mot pour lui rappeler de baisser la température d’un degré et d’enfiler un pull (de 20°C à 19°C, - 133€/an). L’habitude du bain peut être remplacée par une courte douche (- 45€/an). Pour les gamers, on installe une multiprise avec interrupteur (- 103,5€/an). Et pour sentir la différence chiffrée bien sûr, il faut garder en tête de systématiser ces actions au quotidien. Ce n’est pas en coupant la multiprise une fois qu’on fera des économies. »

*Estimation basée sur la consommation moyenne d’un ménage (3 500 kWh/an d’électricité et 17 000 kWh/an de gaz) et sur des prix moyens (le kWh d’électricité à 0,45€, celui de gaz à 0,14€)

Comment amorcer la discussion « énergie » en famille ?

Selon Isabelle Roskam, la communication doit s’opérer à un niveau informationnel – quels sont les enjeux et les répercussions de l’augmentation du prix des énergies sur la vie de la famille – et au niveau émotionnel.
« La crise énergétique, comme toute crise, génère des émotions telles que de la colère, du désespoir, de la tristesse ou encore de l’angoisse. Pour inviter l’enfant à exprimer ses émotions, l'adulte peut reconnaitre ses propres émotions et les expliquer à son enfant. C’est une belle occasion de partage ! Et pour initier la discussion « énergie », les possibilités sont nombreuses : un film bien choisi qui aborde les préoccupations climatiques, un roman graphique suivi d’un petit débat, une randonnée pour parler des affects que tous ces changements d’habitudes pourraient générer. Le conseil familial est encore une autre piste. »

INITIATIVE

Une cocotte en papier pour apprendre les bons gestes

Développée par Bruxelles Environnement à destination des plus petits, cette cocotte permet de découvrir et d’apprendre huit bons gestes pour économiser l'énergie, chacun caché derrière un gaspillage correspondant. À télécharger sur Environnement.brussels

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