Vie pratique

Jeunes et parents sur le grill

Accros ou simples utilisateurs, les jeunes passent un certain temps sur les réseaux sociaux. Pour y faire quoi ? Le mieux, c’est encore d’aller leur demander. Et côté parents, avec quels yeux perçoivent-ils cet usage par leurs jeunes ? Cinq mamans témoignent.

Côté ados

Lucas, 16 ans : un petit tour sur les réseaux avant de se coucher

Lucas est sur Instagram, TikTok et Snapchat. Sur Instagram, Lucas suit quelques joueurs de foot et le PSG, son équipe préférée. Sur TikTok, il « passe le temps », mais ne poste jamais rien. C’est sur Snapchat que Lucas est le plus actif, pour communiquer avec ses ami·e·s. Oui, les mêmes que celles et ceux qu’il a vu·e·s à l’école toute la journée. Peut-être comme vous lorsque vos copains/copines vous téléphonaient sur le téléphone fixe de la maison ?
« Je ne suis pas du tout accro, estime Lucas. Je regarde un peu le soir avant de me coucher, mais jamais plus d’une heure ». Une heure tout de même, diront les mauvaises langues. Du reste, c’est toujours quarante-cinq minutes de moins que la moyenne belge, selon le Digital Report consacré à la Belgique.

Charlène, 14 ans : des flammes sur Snapchat

Charlène partage avec Lucas les trois mêmes réseaux sociaux et ajoute un supplémentaire à son compteur : WhatsApp.
C’est aussi sur Snapchat qu’elle communique le plus, mais, contrairement à Lucas, surtout avec des gens qu’elle ne voit pas au quotidien. « On s’envoie un snap tous les jours avec ma cousine », ce qui lui vaut des « flammes » pour qualifier les relations les plus intenses. Si elle loupe un jour, elle perd ses flammes. « Je sais, c’est un peu bête », lâche Charlène. En discutant davantage, on sent que ces flammes comptent beaucoup pour elle.
Danah Boyd, chercheuse américaine spécialisée dans l’étude des réseaux sociaux, explique que derrière le banal « Ça va ? » - « Oui, ça va et toi ? » se passe beaucoup plus que ce qu’il n’y paraît. Anodin dans son contenu, il sert surtout à renforcer le lien entre les personnes.
Sur la question du combien, Charlène répond sans ambages « trop ». Entre trois et quatre heures, estime-t-elle. « Je zone d’un réseau à l’autre, je procrastine puis je me retrouve à 21h à commencer mes devoirs. C’est trop tard, je suis crevée, je bâcle ».

Marina, 14 ans : une limite de temps sur TikTok

Dans nos pérégrinations, nous croisons aussi Marina. Rien de neuf sous le soleil, elle est sur les mêmes réseaux sociaux que ses comparses. L’œil malicieux et le sourire large, Marina pose un regard lucide sur sa consommation.
« Avant, quand j’avais un moment libre, je prenais un livre ou j’allais au jardin. Maintenant, c’est toujours au smartphone que je reviens ». Et c’est TikTok le plus addictif. « Tout est fait pour que tu scrolles à l’infini, quand tu as visionné les vidéos de tes contacts, il te suggère encore d’autres vidéos en lien avec ton profil ».
Marina s’est fixée une limite de trente minutes par jour sur TikTok et estime passer entre deux et trois heures par jour sur les trois réseaux confondus en fonction de sa charge de travail pour l’école.

Antoine, 15 ans : raisonnable et responsable, contrairement à son petit frère

Nous retrouvons Antoine, en face de son école. Lui aussi trouve TikTok beaucoup trop addictif. « J’y passais environ une heure trente par jour. Du coup, maintenant, je me fixe un créneau de trente minutes à ne pas dépasser ».
Antoine se sent raisonnable et responsable quant à sa consommation, surtout quand il se compare à son petit frère, 13 ans, qui vient de recevoir un smartphone. « Chaque fois que je le vois, il est sur son smartphone, il n’a pas encore appris à s’autoréguler. Mes parents lui ont demandé d’activer l’application temps d’écran, il avait passé 5h30 sur les réseaux sociaux un samedi ». Résultat des courses : les parents ont confisqué le smartphone du cadet.

Naomi, 14 ans : ses artistes fétiches sur Insta

Si elle sort avec ses copines, Naomi immortalise toujours avec une photo. Ce qu’elle aime particulièrement, c’est les « pimper », entendez par là mettre un petit effet, un filtre pour la rendre encore plus jolie. Bien sûr, c’est sur Insta qu’elle poste ses stories (des vidéos très courtes à durée de vie limitée). Autre pratique fétiche : suivre ses célébrités préférées comme Harry Styles ou Billie Eilish.

Côté parents

Fanny, maman d’une fille de 12 ans : « Ils facilitent son intégration »

C’est en 6e primaire, au moment du confinement, que Clara s’inscrit sur son premier réseau social, Snapchat, pour communiquer avec ses copines de classe. « Vu le contexte et l’arrêt de toutes les activités, je trouvais que c’était une bonne idée », souligne Fanny.
Clara embraye ensuite sur TikTok et se lance dans des chorégraphies. Fanny se montre plus réservée et lui interdit l’accès. « Je ne m’y connais pas trop, mais je pense que des inconnus avaient la possibilité de consulter ses vidéos, ça m’a fait peur ».
Fanny n’imagine pas sa fille sans les réseaux sociaux qu’elle perçoit comme un bon moyen de s’intégrer dans sa nouvelle école secondaire. « J'aurais peur qu'elle soit mise de côté si elle n'avait pas de smartphone ».

Sandrine*, maman de deux garçons de 13 et 15 ans : « Ils passent au second plan »

C’est aussi pendant le confinement que Maxence*, 15 ans, s’inscrit sur les réseaux sociaux, simultanément sur Facebook et Instagram. Sandrine veille au grain et s’aperçoit que son fils communique trop d’informations sur ses profils, elle l’aide à modifier ses paramètres de confidentialité.
« Il est sur les réseaux sociaux, mais ça ne prend jamais le dessus sur la vraie vie. Quand on est invité chez des ami·e·s, il vient. Si je sors faire une course, il m’accompagne. Le karaté l’aide aussi à garder une bonne hygiène de vie ».
Le fait d’habiter dans un village joue aussi. « Tout le monde se connaît, je me sens en confiance pour laisser les garçons vadrouiller dans les rues ». Yves Collard, formateur de Media Animation, analyse : « Les ados socialisent davantage sur les réseaux sociaux depuis leur chambre aussi parce que leurs parents craignent les dangers extérieurs, comme ceux liés à la circulation ».  

Laurie, maman de deux filles de 13 et 15 ans : « Ils facilitent la communication
quand elles sont chez leur père »

Frédérique* et Sigrid* sont sur Instagram, TikTok et Snapchat. Laurie a fixé un cadre clair à ses filles : interdiction de communiquer avec des inconnus, pas de Facebook et des photos à condition de pouvoir les assumer publiquement.
Ce que Laurie apprécie surtout, c’est de pouvoir communiquer en direct avec elles quand elles sont chez leur papa. « Avant les réseaux sociaux, je devais toujours passer par son intermédiaire. Maintenant, avec les filles, on s’envoie un petit cœur, on se rappelle un rendez-vous, on se raconte notre journée, tout est plus facile ».

Véra*, maman d’une fille de 11 ans et de trois garçons entre 19 et 22 ans : « Ils l’occupent trop »

Véra l’annonce d’emblée, elle a lâché du lest avec sa benjamine qui dispose d’un smartphone depuis plus d’un an. Véra sait qu’elle est sur TikTok et Instagram, mais ignore ce qu’elle y fait. Ses grands frères surveillent. « Quand elle poste une photo d’elle inappropriée, ils recadrent ».
C’est sur YouTube qu’Émilie* passe le plus de temps pour suivre les émissions culinaires d’un duo québécois. C’est aussi là qu’elle a capté des extraits de la série Squid game. Véra s’en est aperçue après coup. « Je culpabilise du temps qu’elle passe devant les écrans, j’ai conscience d’avoir lâché sur certains principes et de m’en remettre au papa pour gérer cela ».

Vanessa, maman d’une fille de 14 ans et d’un fils de 21 ans : « Ils sont l’objet de discussions »

Pour son aîné, Vanessa avait accepté l’inscription sur Facebook à condition d’être son « amie ». Aujourd’hui, elle souhaite faire différemment avec sa fille. « J’estime que ça lui appartient ». Cela ne l’empêche pas de fixer des règles comme celle de respecter le critère d’âge pour l’inscription sur les réseaux sociaux. « Je ne suis pas sûre que ma fille aurait été capable de répondre à l’invitation d’un inconnu avant ses 13 ans ».
Vanessa ne souhaite pas que sa fille soit sur TikTok : « Je trouve ce réseau moins évident à cerner. J’en discute avec elle pour qu’elle comprenne ce qu’il y a derrière mon refus. Mon rôle, c’est aussi de la mettre en garde sur ce qu’elle publie. Je lui ai partagé le conseil de Webetic : ‘Si tu ne le dis pas à ta grand-mère, ne le publie pas’ ».
La maman a aussi conscience de l’utilité des réseaux sociaux. « Mon ainé a démarré un Bac en distanciel. Je pense que les réseaux sociaux lui ont sauvé la mise. À l’heure où il n’y avait plus rien, il a pu se raccrocher à des contacts qui vivaient la même chose que lui ».

* Prénoms modifiés

À LIRE

  • C’est compliqué. Les vies numériques des adolescents, de Danah Boyd (C&F éditions).
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