Santé et bien-être

La patate est andine

Le berceau de domestication de la pomme de terre se trouve à plus de 10 000 km de Bruxelles à vol d’oiseau, dans la cordillère des Andes

La pomme de terre, avec sa déclinaison en frites, est un aliment que nous voudrions belge. Et pourtant, le berceau de domestication de ce tubercule se trouve à plus de 10 000 km de Bruxelles à vol d’oiseau, dans la cordillère des Andes, à la frontière entre le Pérou et la Bolivie.

À plusieurs milliers de kilomètres de nos assiettes, des cultivateurs et cultivatrices font croitre plusieurs milliers de variétés de pommes de terre qui nous sont totalement inconnues. Une diversité résultant d’un travail perpétué par des générations qui s’attachent à traiter ce tubercule avec respect, tel un membre de leur famille.

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Une mère et un enfant

« Pour eux, nous explique l’anthropologue belge Olivia Angé, passionnée par son sujet, la pomme de terre est à la fois une mère, pour l’alimentation vitale qu'elle fournit, et un enfant, en raison des soins attentifs qu'ils lui prodiguent ».
Cette manière bouleversante de considérer un aliment et d’être présente au monde a été confrontée ces dernières années aux menaces et incertitudes climatiques que connaît la planète dans son ensemble. « Or, leurs pratiques agricoles ancestrales ont permis aux habitants des Andes de s’épanouir dans les écologies complexes composant les micro-niches de la cordillère, mettant en lumière un art de vivre durable et résilient », constate Olivia Angé. En Belgique, par contre, cet aliment est banalisé aux yeux des consommateurs et consommatrices et dévoyé par l’agro-industrie occidentale qui considère et traite ce tubercule comme une ressource banale. Il est, par contre, vénéré au Pérou et en Bolivie, ces pays andins où ce tubercule a ses racines. Récemment, l’ULB a mis en avant les recherches d’Olivia Angé qui aime rappeler le lien affectif fort que les cultivateurs et cultivatrices andinꞏes entretiennent avec leurs pommes de terre.

Plus de 4 000 variétés

Professeure au Laboratoire d’anthropologie des mondes contemporains de l’ULB (LAMC), Olivia Angé côtoie ces communautés agricoles depuis des années, en particulier celles du Parc de la Pomme de Terre à Cuzco (Pérou). Elle y a établi une collaboration ethnographique depuis neuf ans et participe aux travaux agricoles tant qu’elle le peut. Elle y a observé un rapport à la pomme de terre bien différent de chez nous.
« Les monocultures industrielles reposent sur la création de super-héros tubéreux : des variétés de pommes de terre calibrées pour la production de masse quel que soit leur contexte écologique. Ces techniques industrielles favorisent l'uniformité et les économies d'échelle au détriment de la biodiversité et des écologies agricoles, dénonce Olivia Angé. Pour développer ces variétés, les grandes entreprises agro-industrielles exploitent les ressources génétiques extraites dans les communautés andines, sans offrir de compensation matérielle, ni de reconnaissance à ces cultivateurs, dont l’expertise agricole porte sur des centaines de variétés cultivées depuis des millénaires. »
Olivia Angé se bat pour cette reconnaissance et pour la diffusion de ces connaissances. Elle s’y attache en menant le projet d’édition d’un « catalogue subversif de semences », écrit par des cultivateurs du Parc de la Pomme de Terre, dans leur langue, le quechua. Ce catalogue présente une centaine de variétés parmi celles qui sont cultivées dans la région, avec autant de formes, de couleurs, de saveurs.

EN SAVOIR +

Troisième culture vivrière la plus importante au monde, la pomme de terre est consommée quotidiennement par plus d'un milliard de personnes. Elle a des valeurs nutritionnelles incontestables. Elle offre en particulier un apport en protéines, glucides, vitamines et minéraux. Il s’agit d’un aliment végétal quasi complet, pour peu qu’il soit cuit dans de bonnes conditions.

Les papas à la huncaina, une recette andine traditionnelle à base de pommes de terre

LA RECETTE À ESSAYER AVEC LES ENFANTS

Papas a la huancaína

Les papas a la huancaína sont une des entrées les plus populaires de la cuisine péruvienne. Cette recette est composée de tranches de pommes de terre recouvertes d’une sauce épaisse au fromage et au piment jaune, servie avec des œufs durs coupés en deux et garnie avec des olives noires, du persil ou du maïs. L’histoire dit que cette recette a été créée par une paysanne de Huancayo pour mieux vendre ses pommes de terre à des mineurs et cheminots.

Ingrédients :

  • 1 kg de pommes de terre nouvelles bio
  • 3 œufs durs
  • Olives noires
  • Piments jaunes (ajis amarillos, de préférence en flocons)
  • 100 g de fromage frais ou feta
  • 150 ml de lait
  • Mie de pain ou crackers
  • 60 ml d’huile d’olive

On s’y met :

Cuire les pommes de terre dans de l’eau bouillante et salée. Mettre les piments jaunes ajis amarillos à tremper dans un bol d’eau pour les réhydrater pendant 10 à 15 min. Préparer la sauce huancaína : mixer les piments dans un robot pour obtenir une pâte. Ajouter dans le bol du mixeur : le fromage frais, la mie de pain ou les crackers émiettés, le lait et l’huile d’olive. Mixer le tout en purée fine. Verser la sauce huancaína sur les pommes de terre coupées en tranches et disposées sur des feuilles de laitue. Garnir avec les œufs durs, les olives, le persil, etc. Vous pouvez transformer cette entrée en plat principal en ajoutant des blancs de poulet aux pommes de terre.