Développement de l'enfant

Le rituel n’est pas un truc !

Avant d’aller au lit, Noé, 18 mois, d’un signe de la main, dit au revoir à ses jouets… puis il regarde un livre d’images avec son père ou sa mère. C’est le rituel habituel. Nécessaire ? Utile ? Et si oui, pourquoi ? Échange avec Monique Meyfroet, psychologue à l’asbl Respect.

Monique Meyfroet : « Le mot ‘rituel’ est d’abord un qualificatif : dans un code, certaines choses sont prescrites et doivent se répéter de la même manière. C’est cela qui est rituel. Puis cet adjectif est devenu un nom.
Dans toutes les cultures, il existe des codifications, des manières d’approcher les grands événements de la vie humaine, celle des enfants aussi. Originellement, ils avaient pour but de conjurer des forces occultes. Faire ceci ou cela protégeait des maladies, des malformations… Aujourd’hui, il n’est plus question de forces occultes, mais toujours d’une protection, et ici avec les tout-petits, d’une sécurité affective plutôt que physique. »

 

Le rituel et le temps

Le rituel est donc important pour le petit enfant…
M. M.
 : « L’enjeu du rituel dépasse la sécurité affective. Il permet d’anticiper et joue ainsi un rôle dans la création de la pensée. Il sécurise puisqu’il est permet à l’enfant de prévoir ce qui va se passer avec une certaine régularité. Mais surtout, il permet la construction du temps chez le petit enfant qui n’a pas du tout de repères et pour lequel cette construction est un objectif à très long terme. »

Certains rituels sont liés aux fêtes, aux anniversaires, aux époques…
M. M. : « Oui, on est bien dans la construction du temps, avec des moments dans la quotidienneté et d’autres dans des éloignements plus grands. Noël a valeur de rituel parce que c’est une fête que l’on célèbre même si on n’a jamais été croyant : c’est un moment particulier où on échange des cadeaux dans les familles, chez les uns à minuit, chez d’autres au matin… Mais c’est quelque chose qui se répète et les enfants y sont très sensibles, dès qu’ils peuvent comprendre. »

Par rapport aux rites de tous les jours, ceux du coucher par exemple, qu’est-ce qui est important ?
M. M. : « Effectivement, quand on pense rituel, on pense à celui du coucher parce que c’est un rituel de séparation et dans les familles, même si on n’est pas très orienté psychologie, on sent bien que cela a du sens. On ne sait d’ailleurs pas pour qui cela a le plus de sens, pour l’enfant ou le parent ! C’est un rituel pour éviter la peine, la tristesse de la séparation… Et les problèmes, comme les pleurs…
Mais attention, un rituel n’est pas magique ! C’est quelque chose qui se partage ! Ce rituel du soir n’a de sens que si c’est un plaisir partagé et non une obligation.
Ensuite, quand il est mis en place, il faut tenir sur la longueur, s’engager ! Si vous lisez quatre histoires pendant un certain nombre de soirs, il faudra continuer les autres jours sans diminuer ce nombre ! S’il n’y a pas d’engagement, de continuité, cela n’a pas valeur de rituel. Il faut donc être dans un vrai désir et non dans la corvée du soir style : ‘Qui est-ce qui se tape le coucher ? Je l’ai déjà fait deux fois !’ Je pense que les enfants vérifient notre disponibilité dans ces moments-là. Cela implique qu’on puisse aussi installer des rituels non seulement dans les moments de séparation mais aussi dans ceux des retrouvailles, lors de la sortie de l’école ou de la crèche par exemple. »

Le rituel et le plaisir

Dans une famille, faut-il que père et mère recourent au même rituel au même moment ?
M. M. : « Non, le rituel tient à la personne. L’enfant ne s’attend pas à ce qu’il soit toujours identique. Il ne s’attend pas une rigidité, ce qui est parfois un travers des parents qui ont peur de désorganiser ou d’insécuriser leur petit, mais il faut éviter cela. Bien sûr, il y a des enfants plus méthodiques que d’autres, mais la plupart d’entre eux apprécient aussi les surprises et doivent en avoir. Rigidifier, ce n’est pas la vie et si rigidification il y a, alors tous les accidents de parcours deviennent problématiques. »

Les rites évoluent-ils avec l’âge ?
M. M. : « Absolument ! Un exemple ? Les parents qui lisent un livre le soir à leurs enfants entendent un jour ceux-ci leur dire : ‘Ecoute, ça va, je peux lire seul !’. Une borne est dépassée. On se voit alors un peu… mis à la porte, mais c’est l’évolution normale. Les adultes aussi ont besoin de rites, c’est une question de repères. Nous vivons des vies assez mouvementées et nous avons besoin que certaines choses se répètent parce que tout le reste est compliqué. »

Des rituels peuvent exister pour le lever, les repas, les séparations de la journée… Mais cela demande du temps !
M. M. : « Oui, mais pas un temps étroitement calculé ! Je suis très décontenancée quand des parents disent mettre la minuterie en marche pour le rituel du coucher. Ils perdent le sens du rituel, un moment gratuit, qu’on offre, non parce qu’il faut le faire, mais parce qu’on a envie de se quitter en bons termes, de se retrouver avec un contact de plaisir, de chaleur.
On le voit à la sortie de la crèche ou de l’école : les enfants ont besoin d’un temps de transition, d’un moment de partage où ils concilient l’espace où ils ont passé la journée et celui qu’ils vont retrouver. La disponibilité du parent à attendre qu’ils soient prêts à partir est essentielle. Cela ne veut pas dire que l’on va faire tous les jours ceci après ou avant cela, mais bien que l’on va prendre ce temps nécessaire à l’enfant de manière ‘rituelique’. Je sais que ce n’est pas facile quand on est garé en double file, qu’il faut reprendre l’aîné ailleurs, mais c’est vraiment important pour l’enfant de respecter ce moment de sas… »

Le rituel n’est donc pas un truc ?
M. M. : « Je suis absolument contre cette conception ! Un rituel doit avoir du sens. Un truc n’est pas un rituel, c’est seulement une habitude. Si l’on n’est pas dans le sens, dans la création, cela n’a pas d’intérêt et cela empêche de penser. D’être vivant ! »

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