Santé et bien-être

Les enfants aussi font de l’arthrite

L'arthrite juvénile touche environ deux enfants sur mille. Elle est la plus fréquente des maladies inflammatoires chroniques potentiellement sévères. Elle est mieux connue sous le nom d’arthrite juvénile idiopathique (AJI). Ses caractéristiques ? Une ou plusieurs articulations s’enflamment, et ce, au-delà de six semaines. Elle apparaît avant l’âge de 16 ans et peut durer de quelques mois à plusieurs années.

Cette affection de l’appareil locomoteur est décrite comme une « maladie du squelette qui rouille ». On en distingue différentes formes : les AJI qui ne touchent qu’une ou deux articulations, celles qui en touchent plusieurs et d’autres encore qui résultent en une maladie systémique avec poussées de fièvre, éruption cutanée, ganglions et foie gonflés. La maladie peut être grave et avoir des conséquences multiples : parfois, les articulations deviennent très douloureuses et les mouvements sont limités, pouvant aller jusqu’à l’atrophie si cela n’est pas soigné. Il arrive aussi que d’autres organes, comme les yeux, soient atteints.
« Il s’agit en réalité d’un excès d’inflammation », explique la pédiatre Cécile Boulanger. En règle générale, c’est un mécanisme bénéfique qui permet à notre corps de se défendre contre les microbes, qui aide à cicatriser aussi. Chez les enfants qui souffrent de rhumatismes, l'inflammation n'est pas bien contrôlée et se développe excessivement : « Le système immunitaire de l’enfant se retourne contre lui-même et s’attaque à la membrane synoviale. L'articulation gonfle, chauffe et il en résulte une diminution de mobilité ».
Dans certains cas graves, toutes les articulations sont touchées, avec une en particulier, comme la hanche, le genou ou le coude. « Et si l'inflammation persiste, poursuit Cécile Boulanger, l'articulation peut s'abîmer et se déformer. Elle s’attaque au cartilage qui recouvre les os et permet à l’articulation de bien bouger. À la longue, l’érosion osseuse limite les mouvements et l’articulation est détruite. Elle empêche l’articulation de grandir, joue sur le développement et entraîne des déformations et un handicap ».

Pour un dépistage précoce

De nos jours heureusement, les avancées de la médecine permettent de délivrer des messages encourageants. Le rhumatologue Bernard Lauwerys, qui préside la Société royale belge de rhumatologie, rassure petits patients et parents : « Poser un diagnostic précoce est le meilleur moyen d’éviter l’aggravation des rhumatismes et des dommages permanents. Quand la prise en charge intervient suffisamment tôt, le pronostic est plutôt excellent. L’image des enfants handicapés lourdement par les rhumatismes, qui doivent se déplacer dans des chaises roulantes, incapables de faire du sport et perclus de douleurs sont à effacer de l’imaginaire collectif ».
Mais, certains attendent encore trop longtemps avant d’être correctement suivis : « Soyez vigilants, prévient-il, les tout-petits n’expriment pas de façon évidente qu’ils ont mal ». Un gros genou, un poignet touché, par exemple, chez un tout-petit, on ne le remarque pas spécialement tout de suite, s’il ne dit rien.
Être vigilants, d’accord, mais quels signes laissent soupçonner une arthrite ? « Les douleurs de croissance sont un faux concept, il n’existe pas. Grandir ne fait pas mal, donc toute douleur a une explication. Il faut en trouver l’origine, ne pas en banaliser l’expression et manquer de déceler une raison plus grave. Ne pas dramatiser sans raison, mais éviter à tout prix de passer à côté du diagnostic de l’arthrite, pour éviter les dégâts ».
Le diagnostic de l'AJI se base sur la présence et la persistance d'arthrite, et l'exclusion d'autres maladies. Le médecin va évaluer les antécédents médicaux, procéder à un examen physique et à des examens de laboratoire. Si un enfant se plaint, a tendance à boiter, à tomber, à refuser de courir, il faut le faire examiner.
« Les rhumatismes juvéniles ont ceci de particulier que les enfants ne se plaignent pas toujours de douleurs. Ce qui va attirer l’attention et alerter le parent, c’est la perte d’un mouvement. Un des premiers symptômes d’inflammation, c’est une articulation qui bouge moins bien. Toute perte de mobilité nécessite un examen, de préférence par le pédiatre ou le médecin généraliste qui le réfèreront si nécessaire au pédiatre rhumatologue. Il faudra alors faire la différence entre l’arthrite infectieuse, qui constitue une urgence médicale, nécessitant une ponction qui aidera à déterminer un traitement antibiotique, et une arthrite inflammatoire, qui ne comporte pas d’infection », précise encore le Dr Boulanger.

Comment soigner ?

En plus de l’examen clinique et des prises de sang, on va plus loin avec des échographies et des radios. « Le traitement de base, c’est de diminuer l’inflammation : on prescrit des antalgiques et des anti-inflammatoires (ibuprofène, naproxene). Quand l’articulation touchée est douloureuse et la mobilité réduite, on injecte directement des corticoïdes qui vont agir localement et souvent, permettre la guérison ».
Si nécessaire, on entreprend un traitement de fond, avec la prise de méthotrexate. Il faut aussi porter une attention particulière aux yeux : « Un certain pourcentage d’enfants atteints d’arthrite développe aussi une uvéite, une inflammation de l’œil. Un enfant malade sera donc également suivi par un ophtalmologue ».
Enfin, beaucoup d’espoirs reposent sur le progrès des biothérapies. Développées à partir des années 1990, elles sont une véritable révolution car elles permettent d’agir sur ces maladies de façon ciblée, avec efficacité et bonne tolérance.
La prise en charge de l’AJI nécessite une action multidisciplinaire. La famille d’abord, qui s’implique avec l’enfant, et puis toute l’équipe médicale, qui en plus du pédiatre-rhumatologue, peut être composée d’un médecin traitant, d’un kinésithérapeute, d’un ophtalmologue, et parfois d’un orthopédiste et d’un psychologue. Avec un objectif commun : aider l’enfant malade à vivre normalement.



A. K.

Témoignage

Il ne faut jamais baisser les bras

« J’ai été diagnostiquée à l’âge de 4 ans d’une oligoarthrite juvénile. Mes chevilles et mes genoux étaient gonflés, je marchais un peu en canard. C’était super douloureux. Si je devais décrire cette douleur, je dirais que l’on ressent vraiment le frottement des cartilages entre les os. Dès 4 ans, j’ai reçu des infiltrations médicamenteuses au niveau des chevilles, puis j’ai été sous Neoral jusqu’à 10 ans. Aujourd’hui, je prends un médicament qui est autorisé pour les adultes : mon état est stabilisé, mais je suis atteinte d’une uvéite, une inflammation des yeux, et c’est compliqué car je ne sens rien et je n’ai pas de troubles de la vision. Je suis toujours allée à l’école, je n’ai jamais manqué une année. J’ai une scolarité normale, et j’ai toujours fait du sport : de l’équitation depuis mes 3 ans et de la danse classique depuis que j’ai 7 ans ! Je dirais aux autres enfants de ne jamais baisser les bras : chaque corps est différent, donc chaque médicament agit différemment. Il faut toujours y croire, même dans les moments difficiles. Il ne faut jamais se priver de quoi que ce soit : on peut toujours s’adapter par rapport à la maladie, elle ne doit pas empêcher de vivre normalement ».
Chloé, 17 ans

Les signes à surveiller 

  • Toute douleur chronique a une explication : si un enfant a mal depuis plus de dix jours, consultez le pédiatre ou le médecin de famille. L’examen clinique répond à beaucoup de questions.
  • Il a une ou plusieurs articulations enflées.
  • Au réveil ou après une sieste, il se plaint de raideur à une ou à plusieurs articulations.
  • Il boite un peu, certaines articulations paraissent le gêner (y compris le cou, ou même la mâchoire).
  • Certains de ces symptômes durent au moins six semaines, alors qu’il n’a pas de blessure et qu’il n’a fourni aucun effort exceptionnel.
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