Santé et bien-être

Fellation, cunnilingus, levrette, gang-bang… sont des mots qui font partie du vocabulaire des ados, au risque de choquer leurs parents. Papillomavirus, IST… semblent des concepts plus flous, par contre. Pourtant, ces infections sexuellement transmissibles (IST) existent toujours dans notre pays. Et le dépistage reste essentiel.
« Papilloquoi ?, me répond une élève de 15 ans rencontrée dans le tram après l’école. Ça me fait penser à des papillons, mais je ne sais pas trop ». Et cette jeune fille n’est absolument pas la seule ado à ne pas connaître les HPV (pour « human papillomavirus », en anglais).
Pierre Charles, psychologue et animateur au planning familial de Marche-en-Famenne, confirme cette méconnaissance. « Lors des animations en 3e secondaire, on parle de contraception, de sexualité, d’amour, de communication et des infections sexuellement transmissibles. On suit le rythme de la classe, on s’attarde sur les sujets qui intéressent le plus. Et il faut bien avouer que les IST ne les intéressent pas du tout. Ils préfèrent parler de choses très pratiques : comment prendre la pilule, que faire si on l’a oubliée… On a parfois quelques questions sur le virus du sida, l’IST la plus connue et la plus mortelle, mais à part ça… rien ! »
Un papillomavirus pour sept femmes sur dix
Pourtant, les HPV sont des infections très fréquentes. Sept femmes sur dix seront en contact avec un papillomavirus au moins une fois dans leur vie. Une vraie source de stress quand on ne sait pas ce qui nous arrive.
Coralie, 21 ans, en fait l’expérience : « Ado, j’étais super-romantique et un peu naïve. À 14 ans, je croyais avoir trouvé l’homme de ma vie, mon futur mari… Donc les IST, protections ou vaccins éventuels ne me concernaient pas. Mais après cinq ans de relation avec mon petit copain, j’ai appris qu’il me trompait, sans se protéger. Résultat, il m’a refilé un papillomavirus. J’ai des cellules précancéreuses et je risque un cancer du col de l’utérus. »
Car oui, sans vouloir alarmer, les papillomavirus non détectés et non traités peuvent provoquer des cellules précancéreuses chez la femme et parfois des cancers du col de l’utérus. Heureusement, les défenses immunitaires viennent bien souvent à bout des HPV. « La plupart du temps, les lésions sont réversibles et le corps se défend très bien seul contre ces virus, surtout chez des jeunes en bonne santé, qui ont une bonne immunité », rassure la docteur Martine Picard, du centre de planning Le Blé en Herbe à Namur.
Mais comment ça s’attrape un papillomavirus ? Par contact sexuel : pénétration, mais aussi caresses intimes ou bucco-génitales. Le préservatif ne protège donc pas à 100 %, même s’il reste l’allié incontournable dans la prévention des infections sexuellement transmissibles.
« Quand on passe dans les classes, on essaye au moins de transmettre ce message-là : les IST existent, soyez prudents. Pour les éviter, il n’y a qu’une seule solution : le préservatif. Ou l’abstinence, mais ce n’est pas très fun. On ne détaille pas toutes les IST aux élèves. On insiste surtout sur le fait que si elles sont soignées à temps, elles ne sont pas mortelles », témoigne Pierre Charles, animateur en planning familial à Marche-en-Famenne.
Le frottis pour dépister
Et pour savoir si l’on a contracté un papillomavirus, le meilleur dépistage, c’est le frottis. « Les jeunes filles craignent souvent l’examen gynécologique, et en particulier le frottis. Pourtant, c’est un dépistage vraiment efficace, insiste Martine Picard. Il n’est pas trop invasif, ne fait pas mal, ne coûte pas trop cher et permet de dépister bien à temps en faisant un contrôle tous les trois ans. Avec un frottis régulier, on est toujours à temps pour soigner. Car les papillomavirus évoluent très lentement. »
De plus, les frottis sont remboursés par la mutuelle à hauteur d’un frottis par an (et de deux frottis par an, si le résultat du premier est anormal). « La plupart des femmes auront un frottis anormal au moins une fois au cours de leur vie et seront en contact avec un papillomavirus. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de risque après, elles doivent continuer à se faire dépister jusqu’à 64 ans », insiste le médecin du planning familial namurois.
Et si un frottis révèle un papillomavirus, pas de panique. Il disparaît souvent sans intervention. « Après un frottis anormal, on donne un autre rendez-vous à la patiente, six mois plus tard, pour voir si le virus est toujours là. Après deux ou trois rendez-vous espacés de six mois chacun, si les lésions sont toujours présentes, on les cautérise. C’est-à-dire qu’on les brûle (comme pour des verrues, ndlr) sous anesthésie locale », explique le médecin. Car si le frottis permet de révéler la présence de papillomavirus, il ne les soigne pas.
Un vaccin pour rassurer
En Belgique, deux vaccins sont proposés aux jeunes filles de 12 à 18 ans : le Cevarix et le Gardasil. Conseillés avant les premiers rapports sexuels, ils protégeraient contre les papillomavirus les plus fréquents et les plus dangereux, (ceux qui peuvent engendrer des lésions précancéreuses et cancéreuses).
« C’est un vaccin assez récent, donc je ne pense pas que les jeunes soient bien informés. Il y a beaucoup de méfiance par rapport à ce vaccin, car on n’a que huit ans de recul. On ne sait pas encore s’il faut faire des rappels ou pas », souligne Martine Picard. Son centre le propose aux jeunes filles de 1re et 2e secondaire lors de visites médicales, mais ce n’est pas le cas partout.
« Il y a quelques années, on a beaucoup parlé de cette vaccination contre le papillomavirus. On allait faire des campagnes dans toutes les écoles. Et puis certains médecins se sont rétractés, les avis scientifiques divergent. Donc, nous ne parlons pas de ce vaccin aux élèves, sauf s’il y a des questions précises sur ce sujet », précise Pierre Charles.
Par ailleurs, un autre médecin explique que : « Ce vaccin protège à 70 %, ce n’est pas une protection complète. Le problème de ce vaccin, c’est que les jeunes filles se croient protégées, alors qu’elles ne le sont pas vraiment. Et puis, ces ‘jeunes’ vaccins peuvent provoquer des effets secondaires qu’on ne connaît pas encore officiellement. Le Japon, qui a un taux de fertilité déjà très bas, ne recommande plus ces vaccins contre le papillomavirus. »
Quelle que soit votre décision concernant une éventuelle vaccination, un dépistage par frottis du col tous les trois ans dès le début d’une vie sexuelle active et un préservatif lors des rapports sexuels restent les meilleures protections.
E. W.
EN SAVOIR +
- Une question sur les IST, sur la contraception, une envie de se faire dépister ? Les plannings familiaux sont ouverts à tous. Le site www.loveattitude.be reprend la liste de tous les centres de planning des quatre fédérations, ainsi que leurs coordonnées.
- Pour une définition des différentes IST ou pour trouver des lieux de dépistage : l'asbl O'Yes.