Pendant la sieste, de Martina Aranda (Pastel) et Les vacances qui ont tout changé, d’Arnaud Dudek (Actes sud)

La narratrice de cette histoire pleine de connivences se rend régulièrement chez sa grand-mère, une dame certes âgée mais qui n’hésite pas à enfiler son maillot à la plage et surtout qui continue à entretenir ses plantes. Il n’empêche. La fatigue est là et elle a pris l’habitude de piquer un petit roupillon après le dîner. Cela est même devenu une obligation dans le pays où se déroule l’histoire et d’où est originaire l’autrice qui vit aujourd’hui à Bruxelles : l’Espagne. Dans le sud de la péninsule ibérique, les après-midis sont tellement étouffants que faire la sieste est devenu une tradition locale. Dans Pendant la sieste, paru chez Pastel, antenne belge de L'école des loisirs, Martina Aranda nourrit son récit d’une série d’éléments qui campent magnifiquement les lieux et les atmosphères mais aussi la complicité qui unit la gamine et l’aïeule : préparation de beignets, drap de coton, panier de pique-nique, bus de la plage, bougainvillier sur le pas de porte ainsi que toute une gamme d’odeurs. Mais les plantes de la grand-mère tardent à pousser et fleurir. La sieste offrira l’occasion pour l’astucieuse petite fille de 8 ans de donner un coup de pouce à la destinée des plantes qu’entretient sa « yaya » avec amour. Et de retrouver le plaisir de la plage. Pour traduire ces atmosphères et cette relation intimiste, Martina Aranda est partie de photos prises pendant les jours de confinement. Sur les dessins réalisés à la mine de plomb, elle a ajouté dans un premier temps un mélange de gouaches, acryliques et crayons de couleurs, en assignant à chaque personnage une couleur primaire symbolique, pour élargir ensuite la gamme des coloris en fonction des besoins de l’histoire (de 5 à 7 ans).

Ce roman de 130 pages aérées fait partie d’une collection créée par les éditions Actes sud jeunesse pour les lecteurs et lectrices autonomes. Outre une approche originale des vacances, il aborde des sujets bien d’aujourd’hui qui parleront aux jeunes : la séparation parentale, le handicap, l’homosexualité, les premières amours... Le ton est à l’humour, mais aussi à la réflexion sans moralisation. Le principal concerné, Gabin, fils unique, accompagne sa Mamy dans un village de vacances des Vosges. Si le jeune garçon est emmené par sa grand-mère paternelle, c’est parce que ses parents sont en pleine crise. Les disputes sont de plus en plus fréquentes et Gabin s’interroge sur sa responsabilité : serait-il la cause des tensions parentales ? Déjà accablé par cette réalité bien contemporaine, Gabin découvre avec dépit son lieu de villégiatures : vétusté des infrastructures, quantité de personnes âgées, d’autres handicapées avec lesquelles il ne sait pas trop comment réagir. Gabin est dépité, s'ennuie, fait bonne figure face à sa grand-mère qui, elle, s’enthousiasme pour tout. Progressivement, il va néanmoins entrer dans le jeu : un couple de vieilles dames l’attendrit, les soirées à thème lui sourient, Stéphane, atteint de leucodystrophie, crée avec lui une complicité inattendue et surtout, la jeune Manon aux grands yeux noirs rieurs et aux réparties franches lui chamboule le cœur. Drôle et touchant, ce récit se met à auteur d'enfants sans les infantiliser. Les questions qui taraudent Gabin à propos des disputes de ses parents et de leur éventuel divorce l’amènent à s’interroger sur le sens de l’amour, sa place dans le conflit, son avenir, la fragilité du bonheur. L’auteur amène un subtil effet de miroir entre l’amour qu’il perçoit chez ses parents et celui qu’il ressent pour Manon. La grand-mère devine ses tourments et les accompagnent avec subtilité. Les vacances qui ont tout changé est un roman sensible, au contenu plus riche qu’il n’y paraît, dont l'écriture fluide, nourrie de quelques expressions bien typées du jeune héros (pas de crush en vue, la réf, son reup, pépouze…) est judicieusement rythmée par les illustrations en noir et blanc (dès 9 ans).