Grossesse

« On ne m’avait pas dit ». Les messages du genre se multiplient autour du post-partum, en particulier sur les réseaux sociaux. Retour sur la définition, mais aussi sur les solutions qui existent et à faire exister.
« Au niveau des sentiments, c’était étrange. Je me sentais pleine de douceur envers mon petit Ahmed*. Je n’oublierai jamais ses petits yeux. C’était tellement beau ». Quand on demande à Dalila* les souvenirs qu’elle garde de ses premières semaines en tant que maman, elle répond d’emblée par des souvenirs positifs. « Oui, j’étais fatiguée avec l’allaitement et tout ça, mais c’était normal. C’était pour mon fils ».
Rien de négatif, donc ? « Ah, si, répond-elle. Je me suis sentie assez seule. Le soutien de ma famille, restée au Maroc, me manquait beaucoup. Après l’accouchement, on ne se sent pas très bien ». D’autant plus que la jeune femme n’avait pas été habituée à cela avant de venir s’installer tout près de Liège, trois ans plus tôt.
« Au Maroc, les premières semaines après la naissance, il y a les sœurs, les mamans, les cousines qui viennent aider, nettoyer, donner un coup de main, faire des lessives. Ici, j’étais toute seule en train de nettoyer la maison. J’ai eu un accouchement qui s’est bien passé, mais j’ai eu quatorze points de suture. Ça tirait sur les cicatrices, j’avais mal au ventre. »
Et le papa ? « Il m’aidait, mais pas beaucoup », remarque Dalila sans donner l’impression de se plaindre. Mais tout en avouant : « À ce moment-là, j’aurais bien voulu que quelqu’un vienne m’aider ».
Un besoin de sortir de l’isolement
Cette solitude, si elle est accentuée quand la famille est loin, est commune à beaucoup de mamans en post-partum. Elle fait partie des premières choses qui reviennent quand on leur demande de décrire les premiers mois après l’accouchement.
Ingrid Desramault, chargée de projets d'éducation permanente pour la Ligue des familles en provinces de Liège et de Luxembourg, leur a posé la question « Quels sont vos besoins pendant cette période ? ». Réponses en vrac : sortir de son isolement, partager son vécu et entendre d’autres mamans, être aidée pour allaiter le bébé, se sentir reconnue dans les difficultés rencontrées car l’entourage ne comprend pas toujours. Mais aussi se sentir légitime de ressentir de la douleur, sentir le soutien de son/sa partenaire. Et, enfin, beaucoup ressentent la culpabilité de ne pas être une « bonne mère ».
Un sentiment qui peut mener à la dépression pour 10 à 20% des mamans, selon un chiffre donné par Illana Weizman dans son livre Ceci est notre post-partum (Marabout). L’autrice a elle-même connu cette période de creux après son accouchement. Et cela peut durer trois mois, six mois, un an, voire plus, explique-t-elle.
Aux symptômes psychiques, elle ajoute les symptômes physiques. « Le corps de la femme post-accouchement est littéralement en convalescence », explique-t-elle. Elle reprend cet exemple souvent donné par les mamans: c’est comme avoir été renversée par un camion. Elle continue en énumérant les changements physiques et en précisant que toutes les femmes ne sont pas touchées avec la même intensité.
Des symptômes physiques
- Des contractions. Eh oui, même après avoir accouché, les contractions continuent. Ces bien nommées « tranchées » ont pour but de faire retrouver à l’utérus sa place et sa taille de femme qui n’est pas enceinte.
- Les lochies. Il s’agit d’un « écoulement de sang provenant de la plaie laissée par le placenta sur la paroi utérine en train de cicatriser. Cette phase dure généralement deux à trois semaines après l’accouchement ». Ce sont ces lochies qui obligent les femmes à porter des couches de protection, ces culottes en filet dont on ne connaît généralement pas l’existence avant de sortir de la maternité.
- L’inconfort périnéal. En attendant que l’utérus reprenne sa forme, vous pouvez aussi ressentir des pesanteurs dans le bas ventre avec l’impression que votre vagin est béant. Voilà pourquoi les spécialistes conseillent de faire des exercices pour rééduquer le périnée. Le plancher pelvien affaibli, la maman a aussi plus de risques de fuite urinaire.
- Cicatrisation. Vous risquez aussi d’avoir mal à cette zone à cause d’une épisiotomie, l’incision faite dans le bas du vagin pour faciliter la sortie du nouveau-né. Une femme sur dix ressent des douleurs au-delà des trois mois.
- Hémorroïdes. Vous en avez peut-être déjà eu pendant votre grossesse. Ces petites varices au niveau de l’anus touchent une femme sur trois en post-partum, car les veines de cette zone ont subi une forte pression au moment de la poussée.
- Les montées de lait. Impressionnantes, on n’en reconnaîtrait plus sa poitrine. Les seins deviennent plus lourds, plus sensibles.
- L’épuisement. S’occuper tout le temps de son bébé alors qu’on a le corps en compote, oui, ça fatigue. Et le dos de vous faire mal aussi à force de porter et lever l’enfant. Voilà pourquoi il existe autant d’ateliers portage : pour éviter de se casser la colonne vertébrale.
- Libido à son plus bas niveau, surtout si vous allaitez. La prolactine, l’hormone secrétée pour allaiter, est une hormone anti-désir. « Parce que, la nature est bien faite, pendant qu’on allaite, on ne va pas réfléchir à faire un deuxième bébé, nous disait Marie-France Philippe, sexologue et endocrinologue à la Clinique de la sexualité du Grand hôpital de Charleroi. C’est donc une hormone qui va diminuer le désir. »
Un tableau plein de couleurs
Énumérés comme cela, ces changements renvoient un tableau bien noir de la maternité. Et pourtant… Les mamans que nous avons interviewées nous ont aussi raconté à quel point c’était extraordinaire d’être parent.
Murielle Conrad, vice-présidente de l’union professionnelle des sages-femmes, le confirme. « Le post-partum, c’est une période d’adaptation, de changement de vie. Le parent apprend à connaître son bébé, ils se découvrent, découvrent leur nouveau rythme respectif. Après l’accouchement, tout est différent et il faut une période d’adaptation. Mais le lien que l’on tisse avec le bébé est merveilleux. Ce lien, ce post-partum dépendent aussi beaucoup de la manière dont s’est passé l’accouchement ».
Et de rappeler l’importance d’un accouchement sans trop d’intervention médicale dans les cas où c’est possible. « Quand on a un accouchement, avec ou sans péridurale, mais où on a pu libérer toute les ocytocines et endorphines de manière naturelle, les post-partum se passent souvent mieux ». Une réflexion qui percole chez les gynécologues selon Murielle Conrad. « De plus en plus, les femmes se réapproprient les naissances. C’est lent, mais ça évolue dans le bon sens ».
*Prénom modifié
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DES SOLUTIONS
Un accompagnement nécessaire
Quoi qu’il en soit, ces douleurs post-partum seront là. On ne peut rien y changer. La marge de manœuvre est surtout dans l’accompagnement. D’abord, de la part du ou de la partenaire, s’il y en a un·e. Plus que d’accompagner, il est dans le même bateau nommé « parents ». Ensuite, le réseau proche, quand il est présent, peut aussi apporter un soutien bienvenu.
En outre, il existe un soutien professionnel en Belgique francophone. Dès votre retour de la maternité, vous avez droit à onze séances avec une sage-femme à répartir sur un an. Elles sont remboursées en grande partie par la mutuelle.
Côté flamand, il y a aussi le « kraamzorg ». Ce sont des personnes qui viennent aider moralement dans les premières semaines, mais aussi dans des tâches quotidiennes. Les aide-ménagères peuvent vous aider dans vos lessives, aller chercher la fratrie à l’école, veiller sur le petit pendant que vous prenez une douche.
Si le même système n’est pas en place côté francophone, certaines mutuelles remboursent tout de même des aide-ménagères. Mais cela ne fait pas partie de l’assurance obligatoire.
Depuis septembre, huit séances d’accompagnement psychologique à 11€ sont aussi remboursées. Une condition : aller chez un·e psy conventionné·e. La liste se trouve sur psy107.be.
Concernant l’information, on ne peut bien sûr que vous conseiller de vous abonner au Ligueur et mon bébé qui vous suit pas à pas, vous et votre bébé, tout au long des trois premières années.
Ces soutiens, s’ils ont le mérite d’exister, ne sont pas suffisants. Certaines sages-femmes, des militantes comme Illana Weizman et aussi des associations comme la Ligue des familles plaident pour des solutions concrètes, à commencer par un congé pour le deuxième parent à égalité avec la maman. Allongé à quinze jours en 2021, il passera à vingt jours en 2023, mais cela reste toujours insuffisant face à la charge à effectuer pour accueillir un nouvel humain.