Développement de l'enfant

Premières amours de vacances…

Souvenez-vous de vos bagatelles estivales. « C’est un amour de vacances, une histoire sans lendemain, mais à laquelle on repense, les yeux plein de chagrin », comme le chantait un certain Christophe Rippert. À présent, c’est au tour de votre enfant de vivre ces instants et il mérite bien une petite attention particulière. Chaperonné par Jacques Marquet, sociologue à l’UCL, parlons d’amour à cette période si importante.

Au beau milieu des vacances, votre ado pousse de grands soupirs. Le regard dans le vide,  l’air ailleurs, béat, comme heureux. Ces symptômes vous rappellent quelque chose ? Une maladie un peu à part, un virus merveilleux, celui de l’amour.
Vous débordez rarement d’enthousiasme à ce moment-là. Une petite note positive pour vous remonter le moral ? Un enfant amoureux, c’est le signe qu’il est ouvert aux autres. Un pas de plus vers le reste du monde. Et puis, elles sont importantes ces premières histoires.

Petites histoires, grandes étapes

Mais au fait, de quelle nature sont ces aventures ? « La question de l’amour est relativement indéfinissable. Chez les ados comme chez les adultes, d’ailleurs. Pour bien comprendre, on pourrait établir un parallèle avec le coup de foudre. Il est inattendu, on ne peut l’expliquer, il n’a rien de rationnel, mais est aussi complètement singulier et donc propre à chacun. C’est pareil pour l’amour à 14 ans », observe le sociologue Jacques Marquet.
Si la force du sentiment n’est pas la même à 15 ou à 30 ans, on raconte les mêmes histoires d’amour à travers les magazines, les séries, les romans, etc., peu importe le public. Le sociologue parle d’une préparation à la séduction. Elle engage une forme d'autonomie. Votre enfant découvre qu’il a les moyens physiques de vivre une relation, comme les grands. Quel bond !
Ces relations sont importantes à plusieurs titres. « C’est un premier pas à tout, constate Jacques Marquet. Votre ado va pouvoir prendre des repères. Constater ce qui est agréable, ce qui ne l’est pas. De véritables initiations, en somme. L’amour a beau inonder toutes leurs histoires et être au sens de leurs préoccupations, le contact, l’attirance et le premier baiser, ce sont des choses qui se négocient. »
S’afficher avec quelqu’un d’autre, pour la première fois, peut donner le vertige. Rappelez-vous les premiers contacts, les yeux dans les yeux ? Fondamental et inédit, nous dit Jacques Marquet : « Vos grands enfants manifestent physiquement qu’ils sont attachés à quelqu’un d’autre. Aussi anecdotique que cela puisse paraître, vingt ans plus tard, bon nombre d’adultes sont nostalgiques de toutes ces premières fois. Certains créent même des ponts, cherchent à revoir la personne, se remettent parfois avec. »
Autre composante, la pression des copains-copines et les « Et toi, c’est quand ? ». À 14 ans, ça passe, mais 16 ans… « S’il n’y répond pas, on peut le suspecter de choses lourdes à porter, notamment l’incompétence, des suspicions d’homosexualité mal vécues à cet âge-là », explique le sociologue. Autant de facteurs auxquels les parents doivent être attentifs. À ce propos, quel rôle jouent-ils au sein de cette romance à l’eau de rose ?

« Je suis là »

Évidemment, vous n’assurez pas la partie la plus amusante du casting estival. Souvent perdus, mis à l'écart, comment trouver la bonne distance avec votre ado ? Vous pouvez tout d’abord encourager cette autonomie, ce nouvel amour. Sans trop en faire. Évitez de la jouer parents hyper-complices, qui veulent tout savoir. Gardez en tête que c'est un moment généralement merveilleux dans la vie de votre enfant et que le soutenir n’est pas une chose vaine.
Jacques Marquet rappelle que notre société, aussi hétérogène soit elle, se compose de deux types de réactions : ceux qui prennent ces amours au sérieux et ceux qui vont les minimiser. « La grande difficulté, à cet âge-là, c’est que votre enfant accorde plus d’importance au jugement de ses pairs qu’au vôtre. Certains parents veulent garder le contrôle, d’autres non. Il faut accepter que vos petits partagent ces histoires. Finalement, la meilleure chose à faire, c’est de pouvoir dire : ‘Je suis là’. Peut-être même avant qu’il ne se passe quoi que ce soit. »
Bien sûr, s’il vous est impossible d’aborder ce genre de discussion avec vos enfants, il est en revanche primordial de s’assurer qu’ils ont une personne de confiance dans leur entourage qui peut prêter attention à toutes ces nouvelles aventures. Aussi bateau que cela puisse paraître, une bonne communication est importante. Quand bien même ce n’est pas facile à cette période où ils ne rêvent que d’indépendance. Peut-être que c’est le moment de créer un lien de confiance, qui se manifeste autrement que par des réprobations ou des mises en garde.
Pour ce qui est de l'épineuse question des relations sexuelles, le jour où votre enfant décide que le moment est venu, il n'y a pas grand-chose à faire pour l'en dissuader. Ici encore, il convient de savoir communiquer sans juger. Vous êtes tout à fait en droit d'expliquer à votre jeune pourquoi il est préférable d'attendre d'avoir trouvé la bonne personne avant de franchir le pas (Voir encadré).
Les limites à fixer existent, bien sûr. « Elles dépendent de la maturité de votre enfant. Elles vont de pair avec le processus de construction, tant sur le plan physique que psychique. Attention, par exemple, à un ado qui se jette corps et âme dans cette aventure. Il ne faut pas se couper du reste du monde. Pour plusieurs raisons. La plus évidente, c’est qu’au moment où l’histoire s’arrête, il se sent loin de ses proches. Et l’autre, c’est que s’il tombe sur un manipulateur ou une manipulatrice, il se retrouve seul à gérer cette complexité. »
Il est donc essentiel de maintenir son enfant coûte que coûte dans le monde réel. Ce qui n’est pas forcément chose aisée, tant il peut s’enfermer dans sa bulle. À vous aussi de lui rappeler les « joyeusetés » de la sexualité, type infections sexuellement transmissibles, risque de grossesse, harcèlement... Et ce n’est pas fini, une autre mission vous attend. Vous allez adorer…

Une histoire sans lendemain

« Une histoire sans lendemain ». Christophe Rippert le chante, c’est vrai. Mais qu’est-ce que cela induit ? (Outre la séparation que vous guettiez secrètement…). C’est que votre chérubin va être à ramasser à la petite cuillère. Et qui va devoir le regonfler à bloc pour la rentrée des classes, entres autres ? Ses chers parents !
Avant toute chose, ne brisez pas ses illusions sur le sentiment amoureux. Inutile de lui rappeler sans cesse que vous l’avez mis en garde. Pas de triomphalisme. Même si la relation n'a duré que quelques semaines, la rupture est très douloureuse.
Conservez précieusement en tête l’adage du psychologue Aboude Adhami que nous faisons intervenir régulièrement : « À cette période de la vie, on est amoureux de l’amour ». Souvenez-vous que les adolescents qui aiment pour la première fois, le font avec une force, une rage exceptionnelle. Plus dure est la chute.
Prenez le temps de bien lui expliquer que loin de la vie quotidienne, des obligations, du train-train, la relation semble souvent plus facile et importante, plus prompte à l’idéalisme. La rentrée scolaire va lui permettre de s'éloigner de cette idylle. Petit à petit, votre enfant va prendre de la distance, puis voler vers une nouvelle histoire avec une nouvelle personne. Et tout repartira pour un tour…
Ces amours sont souvent les plus belles dans la vie des jeunes gens. Un jour, adultes, ils y repenseront sans doute avec une certaine nostalgie porteuse et indolore. Inutile de vous le dire, n’est-ce pas ? C'est d’ailleurs la plus juste des raisons pour laisser vos enfants se raccrocher en paix au convoi de l’amour. Pour rien au monde vous ne voudriez que l’on vous arrache ces souvenirs. Ces étoiles filantes. Et là aussi, Christophe Rippert, l’avait chanté !



Yves-Marie Vilain-Lepage

Filles-garçons, même combat ?

Risques de grossesse non désirée, d’abus sexuels, de harcèlement… historiquement et socialement, on a toujours confié la lourde tâche aux filles d’assurer la protection et la raison. Jacques Marquet explique que l’apprentissage de la sexualité commence plus tôt chez les femmes. Dès la visite chez le gynéco, bien souvent.
Chez les garçons, les discussions sont généralement plus ardues. Mais notre société change, on essaye de rendre les jeunes hommes davantage attentifs aux questions de la prévention que les jeunes filles.
En dépit de tout cela, il existe encore dans beaucoup trop de foyers l’idée qu’une fille doit conserver son honneur et que les garçons construisent leur virilité à travers l’acte sexuel. Les attentes sociales sont encore prégnantes et il appartient à tous de les dépasser.

En savoir +

  • Il vous intrigue ce (presque) fameux Christophe Rippert ? Allez, savourez... C'était en 1993 !

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