Santé et bien-être

Elles s’appellent Candy et Sophie. Elles ont 29 et 47 ans. L’une vit à Limbourg, petit village de la province de Liège, l’autre habite en périphérie bruxelloise. La première suit une formation d’aide-soignante, la seconde est enseignante. Deux femmes, deux parcours et un point un commun : toutes deux sont maman d’un enfant malade. Deux mères dont les parcours professionnels ont été contrariés pour prendre soin de leurs fils. Avec l’impact financier qui s’en suit.
Candy a 20 ans et est enceinte de six mois lorsque son bébé développe des problèmes in utero. Une prise de sang révèle qu’il est atteint de la mucoviscidose. Candy garde Kylian jusqu’à ses 9 mois, puis, contrainte de travailler, le confie à une gardienne ONE. Un comble pour cette maman, accueillante également, qui ne peut exercer ce métier pour préserver un maximum son foyer des germes et bactéries.
Itinéraire d’un parcours professionnel contrarié
« Je me suis rabattue vers les titres-services pour poursuivre une activité professionnelle, mais, dès qu’un enfant était malade dans son lieu d’accueil, je devais reprendre Kylian. Nous avons décidé d’un commun accord avec le papa que ce serait moi qui assurerais les gardes, car il avait un boulot plus stable et mieux rémunéré. Mon employeur n’a pas renouvelé mon contrat, je n’étais pas assez ‘fiable’. J’ai ensuite suivi une formation d’éducatrice, mais Kylian a eu un problème aux hanches qui l’a contraint à être en fauteuil roulant pendant deux ans. Cela a mis un terme à ma formation, car il ne pouvait plus fréquenter la garderie et l’horaire d’école était incompatible avec ceux de ma formation. Après ce problème, j’ai entamé une formation d’aide-soignante. J’ai terminé ma première année, mais j’ai dû la mettre en suspens. Kylian a été hospitalisé deux fois quinze jours l’an dernier et j’ai accumulé trop de jours d’absence. »
Sophie a 40 ans lorsqu’on diagnostique une tumeur osseuse à son fils Mathéo, 8 ans. C’était il y a sept ans. La maman décide alors d’interrompre sa carrière d’enseignante. En l’espace de cinq mois, Mathéo subit huit chimiothérapies. Chaque cure correspond à cinq jours d’hospitalisation, suivis de trois semaines à la maison. « J’ai arrêté de travailler pendant un an et demi. Après les chimiothérapies, il y a eu les opérations et Mathéo a cumulé toute une série de complications ».
6 parents sur 10 rencontrent des difficultés financières
Ces deux exemples ne sont pas des exceptions, puisque plus d’un enfant sur dix est touché par une maladie grave ou nécessite des soins constants. Outre l’impact direct sur l’enfant, c’est aussi le portefeuille familial qui est touché. Six parents sur dix rencontrent des difficultés financières suite à la maladie grave de leur enfant, indique le Baromètre des parents de la Ligue des familles.
Des allocations ou indemnités insuffisantes, des congés rémunérés inexistants ou trop peu nombreux, des remboursements de soins qui ne couvrent pas les dépenses, voilà ce qui mine ces familles. Et pas seulement les plus précarisées. À partir du moment où un parent doit se rendre disponible pour prendre soin de l’enfant, la perte financière est sèche. Et nette.
Dans le même dossier
« Pendant un an, j’ai perçu 520 € du chômage. Soit 1 500 € de moins que mon salaire mensuel, explique Sophie. Après, je n’avais même plus droit au chômage parce qu’un an de maladie grave était passé. À la fin de l’interruption, mon compte était sans solde. »
Heureusement, l’assurance hospitalière permet de rembourser les frais d’hospitalisation et Sophie perçoit des allocations familiales majorées de 400 €. L’Inami (institut national d’assurance maladie-invalidité) rembourse aussi toutes les chimiothérapies. Seuls les frais de confort restent à la charge des parents. Mais tous les cinq mois, la famille repasse par la case hospitalisation.
« Même si on a une assurance, ce n’est pas la plus complète. Du coup, on n’a jamais pris une chambre seule. C’est très dur moralement. Et puis, Mathéo garde des séquelles physiques, il a douze centimètres de différence entre la jambe gauche et la jambe droite. On a dû acheter une voiture plus grande, car il ne peut pas plier sa jambe. À la maison, on a mis en place des aménagements pour améliorer son confort. Tous ces frais, les allocations majorées ne les couvrent pas. »
Aujourd’hui, Mathéo est en rémission. Mais avec deux séances kiné par semaine, les frais kilométriques qui ne sont plus pris en charge, les tickets de parking, etc., les frais continuent à peser sur le budget de la famille.
Les frais extra qui minent
Même constat pour Candy, qui perçoit aussi une allocation majorée de 760 €. Un montant qui couvre les frais de soins de santé de base de Kylian. À savoir : des enzymes pancréatiques pour l’aider à digérer, des vitamines, des médicaments pour son reflux gastrique, d’autres pour la gestion des douleurs intestinales, trois aérosols quotidiens nez et gorge par jour et cinq séances de kiné respiratoire par semaine.
Ajoutez à cela les consultations pluridisciplinaires au centre muco tous les trois mois. Kylian y cumule les rendez-vous : ORL, pneumologue, kiné et diététicien. D’un point de vue comptable, avec les radios et les échographies de contrôle, la facture représente 800 €. Et ça, c’est quand tout va bien.
Kylian a aussi connu des épisodes critiques qui nécessitent des hospitalisations. Les cures d’antibiotiques sont très onéreuses. Pour une hospitalisation de quinze jours, la facture peut s’élever à 5 000 €. Si la mutuelle intervient pour 80%, les parents doivent tout de même sortir de leur poche 1 000 €.
« C’est arrivé qu’on ne puisse pas payer. Avec un revenu de 1 250 €, c’est compliqué de faire face à de telles dépenses », souligne Candy. Heureusement, que ce soit pour prêter de l’argent en cas de coup dur, avancer une caution locative, rembourser des frais de santé pour Kylian, l’Association Muco intervient.
Nicolas Michaux, collaborateur au service familles et adultes de l’association, explique : « Dans la muco, il y a beaucoup de remboursements à aller chercher activement via notamment le DMG (dossier médical global). Mais, pour bien faire, il faut aussi souscrire à une bonne assurance hospitalisation, idéalement avec une garantie ambulatoire pour maladies graves, faire renouveler les accords de remboursements de certains médicaments. Mon rôle, c’est d’accompagner et de conseiller les familles dans ces démarches ».
Pour vous accompagner
► hospichild.be centralise toute l’information utile autour de l’hospitalisation, la maladie grave et le handicap d’un enfant en Région bruxelloise. « C’est le seul site en Europe qui cible l’information pédiatrique sur un territoire donné », explique Emmanuelle Vanbesien, coordinatrice du dispositif depuis 2006 qui conseille aux parents de :
- Contacter le service social de votre mutuelle ou un CASG (centre d’action sociale globale) qui disposent de service juridique et de médiation et peuvent activer des aides sur mesure.
- Oser mobiliser vos proches et planifier avec eux des aides régulières pour vous soulager : un trajet, un repas, des courses, du repassage… C’est vous qui cernez le mieux ce qui peut vous soulager le plus.
► La Fédération wallonne des soins palliatifs propose sur son site un vade-mecum qui renseigne les structures et les services qui peuvent aider les parents.
►Jour après jour. Éric Boulangier a créé l’association en 1993 suite au cancer de sa fille avec l’envie d’aider d’autres familles. « Je viens d’aider une maman seule avec trois enfants du côté de La Louvière, dont la dernière est atteinte d’une maladie immunitaire. La maman se retrouve avec des factures qu’elle ne peut pas payer, alors nous sommes intervenus pour les solder. Il n’y a aucune restriction quant à l’aide que l’association apporte. Par exemple, il y a quelques jours, nous sommes intervenus pour payer une perruque à une jeune fille de 14 ans. Les parents ne pouvaient pas payer, alors on l’a fait ».
EN PRATIQUE
Emploi : les congés disponibles pour la maladie d’un enfant
- Congé pour assistance médicale (tous secteurs confondus) : ce congé thématique est un droit, votre employeur.se ne peut pas vous le refuser. Il peut être pris sous la forme d’une interruption complète (1 mois) ou partielle (3 mois) avec possibilité de le renouveler.
- Crédit-temps avec motif « soins à son enfant mineur gravement malade » (secteur privé) : ce crédit-temps est conditionné à l’accord de l’employeur dans les entreprises de dix travailleuses/travailleurs ou moins. Il faut disposer de vingt-quatre mois d’ancienneté chez l’employeur pour y prétendre. Dans les organisations de plus de dix employé·e·s, un quota est d’application. La durée varie entre 3 mois d’interruption complète ou à mi-temps et 6 mois à 1/5e de temps avec un maximum de 51 mois sur l’ensemble de la carrière.
- Interruption de carrière « ordinaire » (secteur public et enseignement) : cette interruption ne doit pas être justifiée. Les conditions d’accès à cette interruption sont fixées par l’autorité dont dépendent les membres du personnel. Sa durée est de 3 mois minimum jusqu’à 60 mois maximum.
- Congé parental : ce congé thématique est un droit conditionné à 12 mois d’ancienneté dans le secteur privé, les communes et provinces. Il peut être sollicité pour chaque enfant de moins de 12 ans et ne doit pas être justifié. Si l’enfant est handicapé, la limite d’âge est portée à 21 ans. La durée varie de 4 mois à temps plein, 8 mois à mi-temps, 20 mois à 1/5e de temps ou 40 mois à 1/10e de temps. La planification du congé est soumise à l’accord de l’employeur.
À LIRE AUSSI