Crèche et école

Réforme des rythmes scolaires : les réactions des parents

Parmi les retours que nous avons reçus à la rédaction, il y a du positif. La plupart des parents saluent une réforme des rythmes scolaires, mais… et ils sont nombreux ces « mais ». Nous les avons exposés aux porteurs et porteuses de la réforme, à savoir la ministre de l’Enseignement obligatoire en Fédération Wallonie-Bruxelles, Caroline Désir. Mais aussi à Maxime Michiels, chargé d’études à la Ligue des familles, qui a contribué au travail préliminaire à la mise en place de ce nouveau calendrier.

Fêtes et traditions : on fait comment quand ça ne tombe pas juste ?

« Carnaval et Pâques sont des fêtes importantes dans de nombreuses familles et ne pourront donc plus être des moments de partage et de réunion comme elles le sont actuellement vu que la répartition des congés les fait ‘tomber’ bien loin de ces deux fêtes. » Maïté

Les vacances encore souvent appelées de carnaval (malgré la modification officielle en congés de détente) ne tombent en effet plus pendant cette période avec le calcul 'sept semaines de cours puis deux semaines de vacances'. Le mardi gras a lieu le 21 février alors que la période de congés va du 27 février au 12 mars. Pourquoi le 21 février ? Car le mardi gras a toujours lieu quarante jours avant Pâques. Dans la tradition chrétienne, c’est le jour où l’on fait bombance avant de commencer une période d’abstinence jusqu’au premier dimanche qui suit la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps. Soit le 9 avril en 2023… une date qui, elle non plus, ne tombera pas dans ce qu’on appelait les « vacances de Pâques ».
De quoi perdre les traditions ? Pas tout à fait puisque le lundi de Pâques sera toujours férié, rappelle le cabinet de la ministre Caroline Désir. Quant au carnaval, certaines entités ont déjà prévenu qu’elles négocieraient un congé exceptionnel, comme à Binche. « De nombreuses festivités folkloriques tombaient déjà à d’autres moments, non couverts par des congés scolaires, répond la ministre de l’Enseignement obligatoire. Cela n’a jamais empêché la tenue de ces activités. »
« Jusqu’au jour où Noël ne tombera plus pendant les vacances », ajoute l’une des mamans dans un e-mail envoyé à la rédaction. « En ce qui concerne les fêtes de fin d’année, elles sont considérées comme étant le pivot du calcul 7-2, donc on n’y touchera pas, explique Maxime Michiels, chargé d’études à la Ligue des familles. Pour mettre cette réforme en place, il a fallu choisir des priorités. Et c’est celle du rythme de l’enfant qui prévaut sur les fêtes traditionnelles ».
Et le cabinet de la ministre de l’Enseignement obligatoire d’ajouter : « Le calendrier actuel intégrait probablement certaines fêtes et traditions familiales, mais pas toutes non plus. Certaines communautés religieuses n’ont jamais eu de jours de congé pour leurs fêtes ».

Et si on s’occupait d’abord de la réforme des rythmes journaliers ?

« Si réellement la priorité est le bien-être et l'apprentissage, pourquoi ne pas revoir l'organisation d'une journée, d'une semaine ? L'offre des cours et des activités ? Si nos enfants sont parfois fatigués, c'est peut-être qu'un ‘apprentissage statique’ (assis sur un banc) avec des activités en plus en fin de journée, ça fait beaucoup (des activités supplémentaires réservées aux plus chanceux car cela demande souvent de l'investissement de la part des parents). » Sophie, maman solo de deux filles de 5 ans

Une chose à la fois, nous répondent nos interlocuteurs et interlocutrices. C’est dans les cartons, mais cela demande davantage de négociations avec les travailleurs et travailleuses du secteur que la réforme des rythmes annuels. On avance donc pas à pas, répond la ministre de l’Enseignement obligatoire.
« La réforme des rythmes scolaires s’inscrit dans un ensemble plus large de réformes que constitue le Pacte pour un enseignement d’excellence. Sur la question des rythmes scolaires - annuels comme journaliers -, ce sont les acteurs de l’enseignement qui ont indiqué la nécessité d’avancer progressivement, en commençant par les rythmes annuels, et d’envisager ensuite les possibilités de modifier les rythmes journaliers. »
Et de souligner qu’il est légalement possible pour les écoles qui le souhaitent d’organiser différemment leurs journées de cours. « Certains établissements ont déjà intégré dans leur mode de fonctionnement plusieurs pratiques innovantes en la matière, ajoute la ministre. Le sujet doit néanmoins être approfondi et les pratiques doivent être plus structurellement encouragées ». Un travail est en cours avec la Fondation Roi Baudouin pour concrétiser ce volet.
Du côté de la Ligue des familles, la proposition de réforme du rythme journalier est la suivante : commencer à environ 8h et terminer à 17h, avec une pause dans les apprentissages entre 11h et 15h, là où le cerveau est moins disponible. Pour reprendre ensuite entre 15 et 17h, quand l’enfant est de nouveau disposé à apprendre.
« Cela correspond mieux au rythme chronobiologique de l’enfant, explique Maxime Michiels, chargé d’études. Par ailleurs, cela permet une meilleure conciliation vie privée-vie professionnelle pour les parents puisque la journée s’allonge jusque 17h. »
Le milieu de la journée servirait donc à d’autres activités comme le propose cette maman : « des après-midi plus ludiques avec de la méditation, du sport, de la musique, des arts plastiques, des expressions scéniques, des débats, etc. ».
« C’est l’idée de notre proposition, répond Maxime Michiels, mais c’est aussi le nœud du problème, car cela demande une réforme de l’Accueil Temps Libre, d’une part. Quelle place lui donne-t-on ? Avec quel financement ? C’est tout l’enjeu. Et d’autre part, comment organise-t-on la journée de travail des enseignant·e·s ? On voudrait éviter que cette réorganisation leur amène de l’inconfort. C’est une question qui doit encore être résolue. »
Certain·e·s enseignant·e·s pourraient craindre que la journée soit scindée en deux, là où les porteurs et porteuses de la réforme voient dans la pause 11h-15h, le moment où corriger les copies et préparer les cours sans devoir s’y remettre une fois rentré à la maison. Le chantier est donc plus compliqué et la Fédération Wallonie-Bruxelles a avancé là où c’était possible avec les rythmes annuels.

Y aura-t-il plus de stages, de garderies organisés en dehors de l’été ?

« J’étais infirmière et j’ai travaillé pendant quarante ans dans une crèche de l’ONE qui avait également une garderie (avant et après l’école et les jours de congés scolaires). De nombreux enfants fréquentent la crèche et la garderie de 7h à 18h, car tous les parents n’ont pas un horaire 8h30-16h, c’est même une minorité. Pour tous ces enfants, sera-ce mieux de se retrouver pendant dix-onze heures en garderie pendant les vacances allongées ? Et il faudra encore qu’il y en ait d’organisées. En général, les places sont limitées, en fonction de l’espace et du personnel d’encadrement. » N. Lemahieu-Pauwels, grand-mère de trois petits-enfants entre 2 et 8 ans

Là encore, c’est une question qui touche à la réforme de l’Accueil Temps Libre. Les stages sont actuellement moins nombreux aux vacances de détente et d’automne, signalent des parents. L’offre sera-t-elle réaménagée ?
« Une attention toute particulière est portée sur cette question de l’offre et de l’accès aux activités extrascolaires, répond la ministre de l’Enseignement obligatoire. Une réforme de l’Accueil Temps Libre est initiée par la ministre Bénédicte Linard, compétente pour cette matière. »
L’idée est de proposer des mesures d’accompagnement pour garantir des activités pendant ces semaines automnales et hivernales à des prix accessibles à toutes les familles. À voir comment cela va se traduire concrètement.

On perd deux semaines de beau temps avec nos enfants

« Quand j’en parle avec ma fille de 14 ans, elle ne comprend pas non plus qu’on lui enlève du temps dans les meilleurs mois de l’année pour après rester enfermée une semaine de plus quand il fera plus moche au niveau de la météo. » Margarida

Deux semaines ? Pas tout à fait. Comptez les jours sur le calendrier : rentrer le 29 août et terminer l’année le 7 juillet fait perdre exactement huit jours des vacances d’été en 2022-23. Des vacances qui sont récupérées par ailleurs : en mars et en novembre.
« La réforme n’est pas là pour supprimer des semaines de beau temps, mais parce que le corps a besoin de se reposer quand il ne fait pas beau », répond Maxime Michiels. Sous cet angle, les semaines de vacances ajoutées en novembre et février seraient donc les bienvenues pour prendre du repos quand les jours raccourcissent.

Réserver des vacances d’été sur une période plus courte, n’est-ce pas un risque d’augmentation des prix ?

« Toutes les personnes qui ont des enfants en obligation scolaire sont déjà contraintes d'organiser leurs séjours en pleine haute saison, au moment où les tarifs sont les plus élevés. Là, ils vont devoir se concentrer sur deux semaines en moins. Pas besoin de vous expliquer la loi de l'offre et de la demande : les prix vont exploser et seuls les plus nantis pourront se permettre un dépaysement. Ou bien les parents, malgré l'obligation scolaire, emmèneront leurs enfants en vacances hors saison pour avoir de la place ou pour pouvoir se les payer. » Maïté

Sept semaines en été au lieu de neuf, la haute saison est en effet raccourcie. Mais deux semaines s’ajoutent en basse saison, rétorquent les porteurs de la réforme.
« En réduisant les congés d’été et en reportant ces congés à d’autres moments de l’année, de nouvelles opportunités de vacances sont créées, de sorte qu’on ne s’attend pas à une véritable hausse des prix des vacances, explique Caroline Désir. Au contraire, le consommateur de voyage pourra partir à d’autres périodes qu’habituellement. »
La ministre souligne également que « la situation des seul·e·s francophones de Belgique ne détermine pas à elle seule les tarifs des voyages dans un contexte commercial désormais fortement globalisé ».

Quelle réorganisation du monde du travail ?

« Pour les vacances d’été, beaucoup d’entreprises sont fermées en juillet et août. Les parents sont obligés de prendre leurs vacances à ces moments-là or les vacances d’été sont rabotées ! » N. Lemahieu-Pauwels

Nous avons posé la question au ministre fédéral de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne, cette fois. Pour le moment, il n’y a pas vraiment eu de concertation avec le secteur de l’enseignement, tout simplement car « la question ne se pose pas », nous répond-on au cabinet.
« Les entreprises et les employé·e·s seront même plutôt content·e·s de pouvoir étaler les congés tout au long de l’année, alors que tout se concentrait sur la même période auparavant. »
Même réponse chez la ministre de l’Enseignement obligatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Qu’en est-il des familles qui vivent entre deux Communautés différentes ?

« J’habite à la limite de la Flandre, de nombreuses familles ont des enfants qui vont à l’école dans les deux Régions. Encore des soucis pour eux. Nous vivons dans un petit pays, dommage que les congés et rythmes ne soient pas harmonisés. » N. Lemahieu-Pauwels, grand-mère de trois petits-enfants entre 2 et 8 ans

Cette différence entre Communautés est un des soucis majeurs de la réforme. L’enseignement obligatoire est en effet une compétence communautaire, ce qui signifie que Francophones, Flamands et Germanophones ont chacun leur propre façon d’organiser leur parcours scolaire.
Chez nous, la ministre de l’Enseignement obligatoire ne compte pas faire marche arrière. Même si elle dit comprendre les difficultés rencontrées par les familles vivant entre les deux Communautés, « la détermination des rythmes scolaires est une compétence exclusive de la FWB, réagit Caroline Désir. S’agissant d’une réforme essentielle dont les bienfaits font largement consensus chez les acteurs et les expert·e·s, il n’est pas prévu d’attendre que les gouvernements flamand et germanophone décident éventuellement de s’aligner ».
Une nuance toutefois : cette mise en place de la réforme pourrait peut-être faire avancer les autres Communautés dans leur réflexion sur la question. Et si la Flandre s’alignait rapidement, la ministre pourrait reporter la mise en place de la réforme.
« Si les autres Communautés annoncent une volonté de mener une réforme similaire très rapidement, il pourrait s’agir d’un point de négociation (ndlr : avec les syndicats), explique-t-elle. Je suis en effet prête à saisir toute opportunité de faciliter la vie des familles et des personnels. »

Quelle réorganisation pour les mouvements de jeunesse ?

« Ceux qui sont animateurs scouts s'inquiètent. Les camps d'été, moment phare de l'année ont lieu, selon les unités, la première ou la deuxième quinzaine de juillet. C'est très difficile de trouver un endroit de camp. De plus en plus souvent, les scouts et parfois les louveteaux obtiennent l’autorisation de camper de l'autre côté de la frontière, faute de lieu disponible en Belgique. S'il n'y a plus de camps en août, c'est parce que les animateurs sont aussi étudiants et la session d'examens d'août a été avancée il y a déjà de nombreuses années à la mi-août. Dans le doute d'une seconde sess', on ne prend pas le risque de planifier un camp en août. » Anne

Tous mouvements de jeunesse confondus, ce sont 117 730 jeunes qui sont engagés en Fédération Wallonie-Bruxelles. À eux tous, ils organisent 5 500 camps chaque été dont la plupart ont lieu en Belgique et bien souvent début juillet. Parce que c’est une habitude prise pour pouvoir organiser les vacances en famille. Mais aussi, comme le dit justement cette maman, car, plus tard, il y a les secondes sessions pour les animateurs et animatrices qui sont inscrit·e·s aux études supérieures.
Ce qui inquiète les mouvements de jeunesse, ce sont aussi les endroits de camps à trouver, ce qui est loin d’être une sinécure. En pénurie, ils sont parfois réservés deux à trois ans à l’avance. « Dans l’étude de faisabilité de la Fondation Roi Baudouin, l’une des conclusions pour mettre en place cette réforme sans qu’elle n’ait un impact trop important était qu’il fallait au moins deux ans d’accompagnement avant le début du nouveau calendrier. On n’y est pas du tout », nous dit Dornaz Beigi pour le Patro.
« Le gouvernement de la FWB nous a assuré un certain soutien comme l’ouverture de lieux de camp (bâtiment/prairie), une aide financière pour les tentes… Pour le moment, nous n’avons pas une vision claire des soutiens qui nous seront attribués au vu des lignes budgétaires à venir, si ce n’est une enveloppe de 300 000 € pour l’achat de tentes, partagée selon une clé de répartition entre les cinq mouvements de jeunesse. Ce qui peut paraître beaucoup, mais qui, en réalité, n’est qu’un petit pansement au vu des besoins à venir. »
Sur base d’une pré-estimation pour accompagner la transition pour les camps (mise aux normes des locaux, achat de tentes, développement de plateformes d’échanges avec les pouvoirs locaux…), les mouvements de jeunesse ont estimé les besoins aux alentours d’une vingtaine de millions d’euros. On est donc loin du compte.
La ministre de l’Enseignement obligatoire informe également qu’« un travail conséquent est entamé par le ministre Daerden, en charge des infrastructures scolaires, pour permettre la mise à disposition des écoles aux mouvement de jeunesse durant les congés scolaires ». Et de garantir la tenue de rencontres régulières avec le secteur pour trouver ensemble des solutions.

Comment réorganiser l’hébergement des enfants entre deux parents séparés ?

Si nous n’avons pas reçu d’interpellation des parents sur ce point à la rédaction du Ligueur, le service études et action politique de la Ligue des familles oui. Ce sont des milliers de tribus qui sont affectées par ce nouveau calendrier. Les parents séparés ont en effet la garde de leurs enfants calquée sur le calendrier scolaire. Et si ce dernier change, ce sont tous les accords ou les jugements qu’il faut revoir. Avec une justice déjà bien engorgée, on risque de se retrouver avec un véritable embouteillage de dossiers.
Voilà pourquoi des calendriers-types à proposer aux familles et à la justice sont en cours de préparation. Un travail d’anticipation réalisé par la Ligue des familles avec avocats.be et le cabinet de la ministre de l’Enseignement obligatoire. « Néanmoins, chaque famille est tellement spécifique qu’il est très difficile d’appliquer ces calendriers de manière automatique », explique Isabelle Tasset, présidente de la Commission Famille chez Avocats.be.
« Plusieurs obstacles, ajoute Jennifer Sevrin, chargée d’études sur cette question spécifique à la Ligue des familles. Il faut une certaine entente entre les parents, certains travaillent dans un secteur qui a des congés imposés comme le bâtiment par exemple, il y a les mouvements de jeunesse ou encore les locations de vacances du samedi au samedi. Cela peut paraître des détails mais cela complique la mise en place d’un nouveau calendrier. »
Et plutôt que de repasser devant le tribunal de la famille pour chacune des situations, la Ligue des familles et Avocats.be conseillent de trouver un arrangement à l’amiable quand c’est possible ou de passer par un mode alternatif de règlement des conflits. « Une information sur l’existence des Chambres de règlement à l’amiable des tribunaux » est prévue nous répond Caroline Désir.
Concrètement, vous pouvez vous adresser à votre avocat·e, à votre médiateur/médiatrice ou simplement vous arranger entre vous pour trouver un nouveau calendrier. Pour vous faciliter la tâche, les calendriers types devraient être proposés à partir de l’automne 2021. « Notre but, c’est qu’un maximum de parents puissent trouver des solutions à l’amiable », conclut Jennifer Sevrin.

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