Vie pratique

Remue-ménages tout en finesse

C’est une exploration des conflits familiaux riche d’expériences partagées et de pédagogie éclairante. Le tout à travers le prisme de récits de vie où les sentiments s’entrechoquent, entre drôlerie et douleur, empathie et conviction.

Lorsqu’on prend contact avec elle, Isabelle De Bauw le confesse. C’est elle qui a demandé à son éditeur toulousain (Érès) d’envoyer son livre Remue-ménages au Ligueur. Fidèle lectrice de notre magazine, elle trouvait que son ouvrage pouvait trouver sa place dans nos pages. Bien vu. Ces « récits de médiations familiales transformatives » sont passionnants, font rentrer dans l’intimité des tribus et touchent en même temps à quelque chose de beaucoup plus large. On en apprend énormément sur les ressorts du conflit et sur le boulot de médiation. Tout cela à travers des histoires ancrées dans la réalité, tour à tour drôles, touchantes, tristes ou joyeuses.

Ce métier de médiation, Isabelle De Bauw l’exerce depuis plus de vingt-cinq ans. Elle est aussi avocate depuis quarante ans, mais a délaissé peu à peu les dossiers de contentieux. « Les procédures font terriblement souffrir. C’est pour ça que je me suis concentrée sur la médiation. En tant qu’avocat, on peut ‘gagner’ des dossiers, mais j’avais, pour ma part, l’impression de laisser des parents sur un champ de ruines pour élever leurs enfants. Je ne suis plus dans la bagarre ». La paix plutôt que la guerre ? « Disons plutôt une guerre qui débouche sur quelque chose d’utile pour les gens ».

« Ma manière de faire de la médiation peut ne pas toujours paraître orthodoxe, au sens où je n’ai aucun plan prédéfini. »

Face au conflit familial, Isabelle De Bauw pratique une approche dite « systémique », centrée sur les relations entre les personnes et pas sur les individus. Autre particularité, elle s’appuie sur la ferme conviction que les personnes en face d’elle disposent des ressources en elles pour faire face au conflit et, peut-être, parvenir à trouver un terrain d’entente.

« Ma manière de faire de la médiation peut ne pas toujours paraître orthodoxe, écrit-elle, au sens où je n’ai aucun plan prédéfini. Ma rigueur se situe à un autre niveau : une attention extrême à l’état émotionnel de mes clients, leurs manifestations non verbales, leurs attentes, leurs questions. »

Quand elle parle, la passion brille dans ses yeux. Son boulot ? Comme un métier sur le fil. « On est comme des funambules. On ne doit pas verser dans la thérapie, mais faire des incursions du côté relationnel ». Un exercice qui réclame pas mal de compétences. « Pour être agréé, il faut avoir suivi un certain nombre d’heures de sociologie, de droit, de psychologie, etc. Il faut aussi s’investir dans des formations de façon régulière. Cela garantit le sérieux de la profession ».

Ressources et réflexions

Le petit miracle de ce livre, c’est de parvenir à communiquer tout cela avec une simplicité et une efficacité redoutables. Cela s’explique par la pertinence des différents cas exposés (une bonne trentaine) avec un style alerte, plein d’humour et d’empathie pour celles et ceux qui évoluent au cœur des histoires. « Ce livre, c’est aussi un hommage à toutes ces personnes que j’ai reçues. Plus j’avance, plus je me dis que les gens sont formidables. Ils et elles peuvent faire preuve de tant de ressources ».

Au fil des pages, donc, des couples en rupture, parfois bien avancée. Il s’agit d’apaiser, d’amener de la réflexion dans la tourmente. « Les gens sont tellement emmêlés quand ils sont en conflit. Ils sont confus, fâchés. Ils ne voient plus clair, ils ne savent plus réfléchir.

« J’aime transmettre. Je donne des cours. (...) Mais j’avais aussi envie que monsieur et madame Tout-le-Monde puissent comprendre ce qui se passe dans ces entretiens de médiation »

. On essaye donc de comprendre ensemble, on remonte dans l’histoire du couple. À partir de quel moment c’est devenu difficile ? Qu’est-ce qui a été beau ? Lorsqu’on fait ce travail, et que les gens mordent à cette approche, on se rend compte qu’il y a eu des rendez-vous manqués. ‘Tiens, à tel moment, vous auriez aimé qu’elle comprenne que vous étiez épuisé. Et vous, vous étiez tellement prise par votre boulot que ce n’était pas possible de l’écouter.’ De manière très exceptionnelle, il y a parfois des gens qui se réconcilient, mais, souvent, quand ils arrivent en médiation, la cassure est déjà trop forte ».

Terriblement humain et intelligent, cet ouvrage explore les relations familiales et permet de comprendre un métier finalement assez méconnu. « Un des plus beaux compliments que j’ai reçus vient de mon mari. Lorsqu’il l’a lu, il m’a dit : ‘Nos amis vont enfin comprendre ce que tu fais’. J’aime transmettre. Je donne des cours. Je voulais écrire un peu pour mes étudiants. Mais j’avais aussi envie que monsieur et madame Tout-le-Monde puissent comprendre ce qui se passe dans ces entretiens de médiation ». Pari réussi. Grand public et professionnel·les s’y retrouvent, comme les parents dans le Ligueur.  

Dans le texte

Un bout de conclusion en guise d'introduction...

"Il y a une part d'amour dans cette profession. J'aime les gens, je suis touchée de les entendre me raconter des bribes de leur histoire ou m'en dévoiler des pans entiers. Je suis souvent émue d'écouter leurs tristesses, leurs colères, leurs larmes, leurs déclarations d'amour ou de désamour. J'aime être à leurs côtés dans la recherche de leurs forces, m'émerveiller de la découverte de leurs capacités insoupçonnées à dépasser leurs souffrances. J'aime avancer patiemment avec eux, pas à pas, pour dénouer les fils de leurs conflits, les voir trouver de nouveaux chemins et entrevoir un avenir. J'aime leur offrir des moments d'humour, les voir sourire, partager avec eux un fou rire salutaire, mais aussi laisser échapper une larme en communion avec les leurs."

| extrait de "Remue-ménages, récits de médiations familiales transformatives d'Isabelle De Bauw, publié chez Érès.|

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