Vie pratique

« Si j’étais resté avec mes parents, je serais peut-être mort »

Corentin De Ron, 27 ans, revient sur son passé. Retiré de sa famille à 6 ans, il passe quelques années en institution, avant d’être finalement placé en famille d’accueil. Une histoire qu’il raconte dans son livre J’ai grandi en famille d’accueil.

Le premier souvenir dont se rappelle Corentin remonte à ses 4 ans. Ce sont des flashs. Une maman au visage rouge crie, boit, frappe. Ce qu’il a dit ou fait, il n’en sait plus rien. Ce dont il se souvient, en revanche, c’est de cette peur qui ne le lâche plus. Pieuvre tentaculaire, elle lui noue l’estomac. Quelques mois plus tard, une petite sœur naît prématurément. Heureusement pour elle, le couple de parrain-marraine prend le bébé sous son aile. Coralie vit quasiment chez eux ses deux premières années de vie.
Corentin a 6 ans, il est en visite chez sa grand-mère. Deux policiers sonnent à la porte et prennent Corentin. Sa mère hurle et pleure. « C’était très violent. Je ne savais pas que c’était un aller sans retour. Je suis parti avec mon petit sac plastique et quelques jouets ».
Commence alors pour sa sœur et lui, la vie en institution. Une vie simple et rythmée. Aux côtés des éducateurs et éducatrices, Corentin se sent protégé. La boule au ventre disparaît, mais l’état de vigilance reste. Corentin s’enquiert de l’état de sa petite sœur, ne manque-t-elle de rien ? Une tranche de vie qui durera deux ans.
Corentin et Coralie ne le savent pas, mais Patricia et Fernand, le couple de parrain-marraine, entreprennent les démarches pour devenir famille d’accueil. Une perspective inespérée qui fait mentir les statistiques sur les chances infimes de vivre en famille d’accueil pour les enfants plus grands et en fratrie.

Des attentions pour reprendre confiance

Patricia et Fernand sont assez pudiques. Pas de grande démonstration, mais des attentions. Pour la première fois, Corentin a le sentiment de compter. On lui demande s’il a bien tout ce qu’il lui faut, on lui met une écharpe autour du cou pour qu’il ne prenne pas froid. Le petit garçon se sent redevable. Il remercie à tour de bras. « Je suis la preuve vivante qu’on n’a pas besoin d’avoir le même sang pour s’aimer. C’est sans doute l’expérience la plus puissante. Mais il faut avoir manqué d’amour pour s’en rendre compte ».
Corentin a 14 ans quand le couple qui l’accueille se sépare. La famille éclate, Corentin et Coralie doivent retourner dans l’institution quittée huit ans plus tôt. Un vilain retour en arrière qui ébranle le grand frère. Dans l’adversité, la fratrie se serre les coudes. « À deux, on était plus forts, on se tirait vers le haut ». Heureusement, le retour est transitoire, le temps que Patricia retrouve une situation pour reprendre l’accueil en solo.

« Je suis parti avec mon petit sac plastique et quelques jouets »

Qu’aurait été la vie de Corentin sans l’accueil ? Le jeune homme entrevoit deux options : la mort ou la délinquance. « Si j’étais resté avec mes parents, je serais peut-être mort. J’ai failli me noyer plusieurs fois, j’ai aussi eu un grave accident de voiture avec ma maman. Si j’étais resté en institution, je serais devenu délinquant. J’aurais choisi la facilité, eu de mauvaises fréquentations, entretenu ma colère ».

Un livre pour raconter ce parcours

i Corentin est debout aujourd’hui, c’est grâce à sa famille d’accueil. Une reconnaissance que le jeune homme a eu envie de partager avec son livre J’ai grandi en famille d’accueil. Si l’objectif de départ était de remercier ses parents d’accueil, le livre fait aussi office de catharsis. L’écriture libère Corentin.
« J’ai été le tout premier à lire mon histoire d’un bout à l’autre. Bien sûr, je la connaissais, mais, en la lisant, j’étais scié de réaliser tout ce qui m’était arrivé ». Cette première expérience lui fait un bien fou. À peine l’ouvrage terminé, Corentin enchaîne avec un second livre, l’occasion d’en dire davantage sur sa famille d’accueil et de lui donner la parole.
À 27 ans, Corentin est aujourd’hui bien installé du côté de Namur. Biologiste de formation, il enseigne les sciences en école secondaire. S’il témoigne sereinement de son parcours aujourd’hui, c’est parce qu’il a pu faire la paix avec son passé. « J’ai pardonné à mes parents. Ma mère est morte, mon père ne nous voit plus. Ils ont été suffisamment punis comme ça. Quand j’ai compris ça, ma colère m’a lâché ».
À l’heure où son second livre arrive en librairie, Corentin nourrit un nouveau rêve. Celui de transposer son histoire sur grand écran. « Les films français ne rendent pas compte de la complexité de l’accueil à la sauce belge ».

À LIRE

Les deux livres de Corentin De Ron parus aux éditions Un coquelicot en hiver :

  • J’ai grandi en famille d’accueil (novembre 2021)
  • J’ai remercié ma famille d’accueil (décembre 2023)

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