Développement de l'enfant

Son doudou ? Sûr qu'il le rassure

Depuis bien avant ses 8 mois, votre bébé a peut-être un objet auquel il est tout spécialement attaché et qui, dans votre bouche, porte le doux nom de… doudou. La particularité de cet objet ne fait plus de doute maintenant : il aide votre petit à mieux vivre les séparations et les changements, il l’apaise, le réconforte, le rassure en votre absence.

Souvenez-vous. Quand votre bébé est entré à la crèche ou chez son accueillante – sans doute, la première grande séparation entre lui et vous –, on vous avait proposé de lui donner un t-shirt ou un foulard imprégné de votre odeur pour le rassurer. Histoire que le passage se fasse au mieux – c’est-à-dire en douceur, dans la plus grande continuité de sensations – entre la maison et son nouvel environnement où il n’avait pas encore de repères. Et si, le premier jour, il s’était présenté sans doudou, les puéricultrices ou l’accueillante n’avaient probablement pas manqué de vous demander si vous ne l’aviez pas oublié – comme si c’était aujourd’hui obligé d’en avoir un !
Depuis plusieurs mois donc, votre bébé a peut-être un doudou. Cet objet est d’abord chargé de souvenirs sensoriels : il a une odeur, une texture, des couleurs, un goût particuliers qui renvoient à du familier pour votre petit. Son usage aussi est particulier : votre bébé aime le passer sur son visage, le renifler, le sucer ou le presser avec ses doigts… Le doudou, c’est un concentré de repères sensoriels qui a le pouvoir de le sécuriser : il l’aide ainsi à passer de la maison où il est avec vous à la crèche sans vous, il l’apaise dans les moments de chagrin ou de détresse. Le doudou a aussi l’art de vous tranquilliser, vous, puisque vous savez qu’avec lui, votre bébé pourra mieux supporter les séparations et les changements.

Le doudou, un « objet transitionnel »

Aujourd’hui, il est de bon ton d’offrir un doudou à un bébé. Jusqu’à lui en « fourrer » un dans les mains ? Drôle d’époque ! « Quand on est vraiment dans l’observation de son enfant, on se rend compte que c’est lui qui élit un objet comme doudou ou qu’il s’invente une autre manière de se rassurer », dit Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Bref, un doudou, ça ne s’impose pas !
Votre bébé a UN doudou, le seul, l’unique ? Et cela peut être un bout de tissu, l’étiquette de sa couverture, un nounours… auquel il est plus ou moins accro. Ou il n’a pas de doudou attitré ? « N’importe lequel fait l’affaire », confirme par exemple ce papa. Ou alors, il n’a pas besoin d’un objet-doudou ? Il se débrouille autrement. Lui, ce qui l’apaise, c’est de se caresser une oreille, de jouer avec une mèche de ses cheveux ou de sucer son pouce (chose qu’il fait avec plus d’efficacité maintenant qu’à 2 mois !).

« Comportant des bribes de maman, de papa, le doudou permet au bébé d’être rassuré alors qu’ils ne sont pas réellement présents auprès de lui, il lui permet de réaliser que, partis, ils continuent néanmoins d’exister et qu’ils reviendront »
Reine Vander Linden

Psychologue

Au moment où votre bébé est en train d’acquérir la notion de permanence de l’objet, et alors qu’il est en plein dans la phase de l’angoisse des 8 mois (lire à ce propos les pages précédentes de ce Ligueur et mon bébé), vous observez peut-être que le doudou renforce sa raison d’être. « Cet objet, qui est très justement appelé "objet transitionnel", n’est plus seulement celui qui porte les souvenirs sensoriels habituels (odeur, texture, couleurs, goût…), il aide aussi l’enfant à passer au-delà de la peine liée à la séparation, il l’aide à supporter la transition entre l’absence et la présence, décrit Reine Vander Linden. Le doudou se charge, à ce moment particulier, des images mentales que le bébé se construit de ses "figures d’attachement", sa maman, son papa. Et comportant des bribes de maman, de papa, il lui permet d’être rassuré alors qu’ils ne sont pas réellement présents auprès de lui, il lui permet de réaliser que, partis, ils continuent néanmoins d’exister et qu’ils reviendront. Le doudou représente la continuité, il donne un point de sécurité au bébé. Il l’aide à ne pas déployer trop d’énergie pour supporter l’absence de ses parents : il participe à l’économie psychique. »
L’heure de l’endormissement est un moment type de séparation. Le bébé développe ses ressources pour s’endormir seul, et le doudou est bien pratique de ce point de vue. C’est alors important de faire confiance au bébé pour qu’il trouve par lui-même le sommeil…

Qu’est-ce qui se joue côté parents ?

On a beaucoup théorisé sur le doudou. « Aujourd’hui, on zoome tellement sur lui que les parents le "sophistiquent", et il devient parfois plus le souci des parents que celui de l’enfant, regrette Reine Vander Linden. Il y a une espèce de dévoiement du doudou. Certains parents achètent le même doudou en plusieurs exemplaires : pour la maison, pour la crèche, pour une grand-mère, pour l’autre grand-mère, pour l’auto… Or, l’idée du doudou, c’est que l’enfant puisse le prendre, faire appel à lui dans les moments de séparation, de rupture, de changement. Certains parents sont paniqués à l’idée de perdre le doudou : c’est vrai que cela peut être embêtant mais l’enfant peut s’attacher à un nouveau doudou s’ils l’aident à faire le deuil de l’ancien, ce n’est pas insurmontable. Les parents d’aujourd’hui ont un tel souci de ne pas frustrer leur bébé, de ne pas le "traumatiser" qu’ils veillent à ce qu’il ait absolument un doudou, qu’il ne le perde pas, que ce doudou soit constant, qu’il y en ait partout… au point d’en oublier sa fonction première. »
« Parfois, le doudou a davantage la fonction de rassurer l’adulte qui, ceci dit, peut lui aussi ressentir un pincement au cœur lors d’une séparation, poursuit la psychologue. Et pourquoi pas ? Si chacun se sent un peu plus en sécurité ainsi, la formule peut profiter à tous. Il faut juste rester attentif à ne rien imposer à un petit qui n’a que faire des inquiétudes des adultes qui l’entourent. »
À ne pas oublier enfin, la dimension « plaisir » qui se mêle à la dimension « sécurité ». Pour témoin, cette scène racontée par une puéricultrice de crèche : « Amélie avait un chagrin, elle s’était fait griffer par un petit copain et elle ne sortait pas de ses sanglots. J’ai été chercher son doudou parce que j’ai pensé que cela pouvait être précieux pour elle à ce moment-là. Elle l’a pris contre elle avec jouissance : c’est comme si tout ce qui l’avait déstabilisée juste avant disparaissait, on voyait le plaisir qu’elle avait de pouvoir frotter son doudou contre sa joue. Comme si un petit bout de sa maman était venu la consoler… »

BON À SAVOIR

Rendons à Winnicott ce qui est à Winnicott

C’est le pédiatre et psychanalyste anglais Donald W. Winnicott (1896-1971) qui a élaboré la notion d’objet transitionnel.
« Dans son observation fine en tant que pédiatre, il a remarqué que les moments d’absence-présence étaient des moments délicats pour les bébés, explique la psychologue en périnatalité Reine Vander Linden. Autre observation judicieuse de sa part : il a mis en évidence que, dans leur développement, face aux moments de séparation qui sont des moments suscitant du stress, les bébés se débrouillaient pour trouver des manières de se rassurer, de se sécuriser, notamment en choisissant un support sensoriel qui active les images mentales de la présence parentale. L’objet transitionnel, ce n’est donc pas une invention des parents : c’est bel et bien une invention qui vient des bébés !
Bien sûr, un parent qui perçoit, avec sa finesse d’observateur, que le doudou a une importance pour son enfant va aussi le valoriser. Le bébé se choisit un objet transitionnel, que ce soit une petite peluche ou un bout de tétra. Le parent le constate. Et quand l’enfant est en difficulté, le parent va lui présenter cet objet. Il y a véritablement une espèce de danse implicite à deux, où l’enfant élit un objet transitionnel et où le parent valorise cet objet et le renforce dans sa fonction d’objet de transition. »

LES PARENTS EN PARLENT…

Le doudou et la tutte… pour dormir
« Chez nous, le doudou comme la tutte sont associés au lit : Axel les prend pour dormir, et donc lors des siestes et la nuit. Le doudou fait partie du rituel de l’endormissement : à chaque mise au lit, ce sont les "retrouvailles" entre Axel et son doudou, ça l’apaise, le réconforte, le rassure. Il l’utilise très concrètement, il "se frotte" les yeux avec. Le doudou est aussi lié aux trajets en voiture. Axel a, en fait, deux doudous, identiques : l’un à la maison, l’autre à la crèche. L’autre jour, j’ai été chercher mon petit loup à la crèche et la puéricultrice m’a expliqué qu’il n’avait pas pu dormir et avait beaucoup pleuré parce qu’il n’avait ni sa tutte ni son doudou. Une petite fille à côté de la puéricultrice, âgée d’environ 1 an, avait le doudou de mon fils en main. J’ai demandé à le récupérer, mais la puéricultrice était convaincue qu’il appartenait à la fillette, il a vraiment fallu que j’insiste… »
Marion, maman d’Axel

Le pouce pour se calmer
« Depuis quelques semaines, Jean a trouvé son pouce pour se calmer. S’il pleure dans son lit, il met son pouce en bouche et s’endort dans la foulée. C’est lui qui est aux commandes ! Je trouve cela très mignon, un bébé avec son pouce en bouche… Même si je sais que ce n’est pas top (problèmes de dentition, de prononciation parfois…). Mais je me vois mal lui retirer le pouce de la bouche chaque fois qu’il l’y met ! »
Sophie, maman de Jean

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