Santé et bien-être

Tomates, garde à goût

La tomate rougit-elle de son goût insipide ? En quelques décennies, le fruit préféré de l’été a cruellement perdu de son mordant. Pourquoi ? On en discute un duo de maraîchers formé par Brigitta et Adrien de l’Eldoradis, enclave paradisiaque à deux jets de radis de Linkebeek. Tous deux parlent tomate deuxième langue.

Drôle d’été. Le soleil s’est trop rarement montré. La pluie a fait déborder les normales saisonnières dès les premiers jours de juillet. L’époque est compliquée pour les travailleurs et travailleuses qui suivent les saisons comme nos intervenant·es du jour, aux manettes de l’exploitation à l’orée de la Flandre. D’autant que le duo a, entre autres, une passion dévorante pour la tomate. Celle - trop rare - qui a du goût.

La tomate parfaite

Brigitta et Adrien nous font faire le tour du lieu. « C’est la cata, cette année. Et encore, il se dit que le mildiou commence à frapper les champs à côté… ». La pluie incessante fait venir les limaces par milliers. Les pieds de tomates sous serre sont en dessous des croissances habituelles. Et nos deux ami·es ont eu la bonne idée de faire pousser différentes variétés en extérieur, qui font tout au mieux quelques fleurs jaunes.
On ne goûtera donc aucune tomate pour l’heure. Dommage. On nous a vendu plusieurs fois l’endroit comme l’un des rares lieux du pays où « on peut encore manger des tomates qui ont du goût ». Le goût, c’est une préoccupation majeure à table. Le fruit rouge, qu’on prend encore pour légume, n’a plus d’âme. Même quand la saison bat son plein et que tout est disposé pour qu’on s’en régale.
Comment expliquer cela ? Plusieurs facteurs. L’hydroponie, culture réalisée sur un substrat neutre et inerte, bien sûr, qui permet de la consommer toute l’année. Des méga exploitations en Espagne et aux Pays-Bas ont tout simplement plié le jeu. Ni à l’avantage du consommateur et de la consommatrice, ni à celui du produit. Des calibrages faisant miroiter « la tomate parfaite », comme la Daniela, rouge, ronde et surtout résistante au transport, ont tout entaché.
« On veut manger des tomates toute l’année, qu’on va couper en tranche, avec de la mozza et un filet d’huile et on a l’impression que le tour est joué », déplore Adrien. On en achète en toute saison en supermarché, faisant fi du reste. Fi de la saveur. Fi des finances également.

La variété, c’est la vie

L’autre facteur qui défavorise la qualité des tomates, c’est le manque de variétés. Faites le constat par vous-même, il s’en vend quatre en moyenne en supermarché tout au plus. Avec des prix au kilo exorbitants. Adrien fait la démonstration : « Vous trouvez des barquettes de tomates cerises de 250 g à 3€. Super. Pas cher. Mais ça fait 12€ le kilo, plus onéreux que sur un marché ». Brigitta complète, « nous produisons la Green zebra, que l’on retrouve dans certains supermarchés qui jouent sur son originalité et en font payer le prix fort. Elles sont vendues à peu près 10€ le kilo, là où on vend les petites à 6/7€ le kilo et jusqu’à 8€ pour les grosses ».
Notre pire maraîchère produit en tout quatorze variétés et insistent sur l’importance de la diversité. D’abord par combat politique. Celui de sortir de la logique de monoculture. Il en va de notre patrimoine. Tous les jours, des semenciers se battent pour faire perdurer des espèces. « On a perdu énormément de variétés que l’on ne retrouvera plus », déplore le duo. Le manque de diversité rend les cultures plus fragiles. « Alors que c’est intéressant de voir comment elles réagissent. La Blush a été trop arrosée, elle manque de goût par rapport à la Black cherry. On compare les espèces, on voit à quel moment on les porte à maturité ». En un mot, on talonne le produit. On le travail de façon adaptée. C’est un autre facteur de perte de goût, en culture intensive, on cueille les tomates encore vertes en misant sur leur développement pendant le transport.

Cultivez… la curiosité

Fort de ce constat navrant, que dire aux parents qui en ont ras-le-bol de faire manger des tomates sans goût, mais aussi sans apport à leurs enfants ? D’abord d’acheter local. Pour soutenir un modèle de production qui garantit différentes formes de pensées, des emplois et promeut des produits de qualité, frais, bons et donc goûtus. C'est chouette de se dire : « Ah, c’est l’été, on va enfin manger des tomates qui ont du goût, comme on attend les cèpes en octobre », encouragent nos Eldoradis, tristes et excités du sort réservé à leurs tomates.
Les pros de la tomate dispensent un dernier conseil, celui de renouer avec le plaisir de cuisiner. De prendre le temps de faire découvrir les produits avec les enfants, parce que c’est plus facile de leur faire aimer et découvrir une véritable diversité de plaisirs alimentaires avec de bons fruits et de bons légumes. En cela, multipliez les tours des jardins potagers, pour voir comment les choses poussent, comme nos comparses le font ce 1er septembre, par exemple. On ne peut que vous conseiller de franchir les portes végétales de ces antres qui font miroiter les possibles. Et avec goût, s’il vous plaît.

EN SAVOIR +

  • leldoradis.be
  • Vous pouvez également vous renseigner sur des sites comme terre-en-vue.be pour soutenir ce type de projet agroécologique autour de vous.

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