Développement de l'enfant

Tous les dimanches soirs, elle a mal au ventre…

Ce que vivent les adultes en matière de stress, les plus jeunes le connaissent aussi

« J'en ai plein le dos », « J'en ai les bras qui tombent », « Ça me casse les pieds », « J'en perds la tête », « Cela me glace le sang », « J'en ai le vertige », « J'ai froid dans le dos », « Ça me donne des boutons »… Le corps nous trahit. Il parle, alors que les mots font défaut. Ce que vivent les adultes, les plus jeunes le connaissent aussi. À leur façon.

Depuis quelques semaines, tous les dimanches soir, c'est la même chose : Sam a mal au ventre ! Ses parents ont longtemps pensé que c'était le résultat du week-end et de son organisation plus cool. En effet, en semaine, Sam, 8 ans, et sa petite sœur de 6 ans sont au lit à 20 heures pile. Le lendemain, il faut se lever tôt et ils ont bien besoin de toutes leurs heures de sommeil. Pour les repas, idem : leur maman tient à leur concocter des menus bien équilibrés et veille à leur fournir des collations saines.
Le week-end, il en va autrement. C’est relâche, en quelque sorte… On peut regarder un film le soir en famille ou rester debout plus tard parce qu'il y a des invités. On peut déloger chez les grands-parents ou chez des copains. Les menus sont plus relax aussi : une virée au fast-food de temps en temps, mais aussi l’une ou l’autre soirée « pizzas » ou « plateau TV », sans oublier le marchand de glaces qui passe dans la rue... Cet apparent laisser-aller serait-il la cause du mal au ventre de Sam ? Croyant que oui, ses parents ont été un peu plus stricts les week-ends. Sans succès ! Le mal au ventre du dimanche soir est toujours là.
Sam est en 3e année primaire et son instituteur, qu'il aime beaucoup, est assez sévère. Avec lui, Sam a le trac ! Du lundi matin au vendredi après-midi, il se concentre, fait des efforts pour bien travailler et être sage en classe. Le week-end, ouf, il lâche la pression ! Mais, le dimanche soir, le stress le reprend. Éloïse, quant à elle, c'est la veille des dictées qu'elle a mal à la tête. Et Zoé a toutes les peines du monde à sortir de son lit les mardis qui sont les jours de la natation. Elle devient pâlotte et a parfois de la fièvre.
Bien sûr, il n'y a pas que les problèmes d'école qui engendrent des manifestations psychosomatiques chez les enfants. Ils ont souvent du mal à dire ce qui les tracasse. Et ce qui les tracasse peut être très variable. À côté de la peur de l’école, des dictées qui effraient, de l’eau qui terrorise, il peut y avoir la violence à la télé. La souffrance qu’on ressent à la vue de ses parents continuellement en dispute. Toutes ces questions sur la mort, la vie, la sexualité qu’on n’ose pas poser. Et chacun sait que, lorsque les mots manquent, le corps parle. Les maux des enfants ne sont pas du cinéma. Sam, Éloïse et Zoé ont vraiment mal !

Parler de ses émotions

Le tout petit bébé n'a d'autre moyen de dire son ressenti que par le corps. Il pleure, accroche par son regard, crie, s'agite, a mal au ventre… Petit à petit, parce que sa maman, son papa vont tenter de décoder ce qu’il exprime par son corps et mettre des mots là-dessus, il parviendra à dire qu'il a faim ou soif, qu'il veut un câlin ou qu'on joue avec lui. Mais, avant de parler de ses émotions, il lui faudra bien longtemps. Beaucoup d'adultes également parlent difficilement de leurs émotions et de leurs sentiments. Dans nos pays, où l'expression des émotions a été longtemps un signe de faiblesse, on prend de plus en plus conscience de l'importance de dire ce qu'on ressent, mais cela reste compliqué. Tellement de choses sont difficiles à exprimer ! Notre colère, par exemple : souvent, elle déborde et, même si elle est justifiée, le débordement n'est pas toujours acceptable. Que dire de la peur ? À la manifester, n'allons-nous pas être taxés de froussards ? Il y a aussi toutes ces situations qui nous mettent mal à l'aise sans que nous ne puissions vraiment dire pourquoi. Exprimer son ressenti risque de provoquer un jugement, une incompréhension. C'est encore plus compliqué quand on est enfant.
Les parents de Sam lui présentent une école qui ne ressemble pas à ce que lui pense : « L'école, c'est le lieu des enfants ! Et puis, tu travailles si bien ! Monsieur t'apprécie, tu as toujours un beau bulletin. Et tu as plein de copains… » Et Sam stresse encore plus… Il va lui falloir correspondre à tout ce que les adultes attendent de lui : leur plaire, avoir des beaux résultats, s'entendre avec tous les enfants de la classe… Drôlement difficile à digérer cette « vérité » : « L'école, c'est bien pour toi ! »
Quant à Éloïse, elle en a plein la tête, des règles d'orthographe. Il y en a tellement qu'elle les mélange toutes. Cela lui donne le tournis, sa tête va finir par exploser ! En plus, tout le monde lui dit que, sans orthographe, on n'arrive à rien, qu'elle doit faire un effort. Mais elle ne fait que ça, des efforts ! Zoé, pour sa part, a vraiment peur de l'eau, elle n'arrête pas de faire des cauchemars dans lesquels elle est dans un bateau qui coule, sur un pont qui s'effondre ou encore avec des copains qui se moquent de sa peur et ça, c'est le pire ! Ce ne sont pas de bonnes nuits, ces nuits-là !

NOTRE AVIS

Les « bobos » des enfants ne sont jamais anodins. Ils ne nécessitent pas toujours une visite chez le médecin, mais ils demandent une écoute, une disponibilité pour entendre ce qu’ils ont du mal à dire. Est-ce une peur ou une angoisse ? Un besoin d'attention dans un moment un peu compliqué ? La seule manière d'attirer l'attention ou d'être reconnu ? Il y a des enfants particulièrement douillets qui sont à l'article de la mort au moindre bobo, c'est souvent très agaçant. Peut-être se vivent-ils comme particulièrement fragiles ou peut-être n'ont-ils pas d'autres moyens de se faire entendre ?
Bien souvent, le corps dit ce que nous ne pouvons dire avec des mots. Et il se souvient de notre histoire, même du tout début, lorsque nous ne pouvions pas encore parler ! Il faut parfois un peu de temps pour comprendre ce que disent les bobos des enfants. Parfois même, nous n'y comprenons rien et il nous faut demander l'aide d'un « traducteur ». Une visite chez un spécialiste de la parole pourra alors probablement être précieuse.

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