Développement de l'enfant

Un déménagement à hauteur d’enfant

Souvent stressant pour les parents, le déménagement peut également être déstabilisant pour les enfants. Voici quelques clés pour les accompagner.

Petit escargot / Porte sur son dos / Saaa maisonneeette…
Ce serait bien, n’est-ce pas, si déménager était aussi simple que ça ? Mais voilà,  changer de logement est souvent synonyme de stress. Et ce grand chamboulement peut également secouer certains enfants. Selon leur âge, leurs expériences passées et leur personnalité, l’excitation face à la nouveauté peut se mêler à la peur de l’inconnu ou à la tristesse de quitter un environnement familier. Surtout si c’est la première fois, si les changements de repères sont importants ou si le départ est lié à une situation déjà chargée en émotions, comme une séparation.
Comment aider ces enfants à traverser cette période de changement ? Pour Julie Nauwelaerts, conseillère pédagogique à l’ONE, l’enjeu principal est de les « sécuriser ». En les associant plus ou moins activement aux différentes étapes du projet, les adultes peuvent leur permettre d’anticiper ce qui va changer et de s’accrocher à ce qui va rester. Avec elle, nous avons rassemblé tout un trousseau de conseils-clés.

► Expliquez à votre enfant ce qui l’attend
Dites-lui que vous allez déménager, si possible dès que vous vous mettez à discuter du projet, pour éviter une impression de secret. L’idée est aussi de rendre les changements plus prévisibles, et donc moins insécurisants pour l’enfant. Prévenez-le, par exemple, si des visites sont prévues ou s’il va voir apparaître à la fenêtre un panneau « À vendre » ou « À louer »… Expliquez-lui ce qui va changer dans sa vie et rassurez-le sur ce qui ne va pas changer. Enfin, pensez à lui dire pourquoi vous allez déménager.

► Soyez à l’écoute et ne cherchez pas à enjoliver
« Ce qui est important, c’est d’être le plus juste possible, précise Julie Nauwelaerts. Vouloir rassurer à tout prix, en disant que tout restera pareil si ce n’est pas le cas, peut avoir l’effet inverse d’amener une anxiété supplémentaire lorsque l’enfant sera confronté à la réalité ». Laissez donc l’enfant poser ses questions et exprimer ses émotions (voir ci-dessous). N’hésitez pas non plus à partager ce que vous ressentez : « C’est une période où les parents sont plus stressés, moins disponibles. C’est important aussi de pouvoir mettre des mots sur ses émotions. Sans pour autant projeter sur l’enfant son stress et ses inquiétudes ».

► Racontez, jouez…
La manière d’aborder le sujet va dépendre de l’âge de l’enfant et de sa capacité à se projeter dans le temps, ajoute Julie Nauwelaerts. Cette dernière précise que des supports comme les livres (voir encadré) ou le jeu peuvent aider les jeunes enfants à comprendre ce qui va se passer tout en permettant une « mise à distance » rassurante. « Utiliser un personnage permettra de parler des émotions qu’engendre le déménagement, sans pour autant que l’enfant se sente pris à partie : ce n’est pas lui, c’est le personnage ». Quelques idées concrètes : utiliser le doudou pour expliquer le ‘déménagement du doudou’, jouer des scènes de déménagement avec ses jouets…

Le jour J, gardez les essentiels à portée de main et aménagez sa chambre en priorité, en préservant des repères familiers comme ses draps, ses doudous...

► Permettez-lui de visiter ou de visualiser les lieux
Ce qui aide également à se projeter, à tout âge, c’est de visualiser. Si vous en avez l’occasion, emmenez votre enfant visiter le nouveau logement, promenez-vous dans votre futur quartier, passez devant sa nouvelle école et profitez-en pour associer à cette visite un souvenir positif : découverte d’une plaine de jeux, arrêt chez un glacier… Le laisser choisir certaines choses (couleur de sa chambre, tissu…) permet aussi de se projeter positivement.

► Invitez-le à emballer certaines de ses affaires
L’idée, ici, n’est pas de forcer l’enfant ni de lui faire subir le même stress que ses parents, mais plutôt de rendre la perspective du déménagement de plus en plus concrète et de lui permettre de sentir qu’il ne va pas perdre dans l’aventure les objets qui le rassurent. Lors du déménagement d’un milieu d’accueil, chaque enfant avait été invité à préparer une petite valise avec ses jouets préférés, raconte Julie Nauwelaerts. Et de suggérer que cette valise ou cette caisse « personnelle », l’enfant pourrait l’apporter lui-même dans sa nouvelle chambre…

► Où sera l’enfant le jour du déménagement ?
Gérer à la fois la présence des enfants et le déménagement peut être très compliqué. L’idéal, pour permettre aux adultes de se concentrer sur le déménagement et préserver les enfants du stress ambiant, est donc de trouver une solution de garde. Quitte à ce que, comme le suggère Julie Nauwelaerts, les enfants puissent passer à un moment de pause, par exemple à midi. Ou à s’organiser pour qu’un·e adulte soit disponible pour eux. Dans tous les cas, expliquez-leur à l’avance comment se dérouleront les choses.

► Maintenez des repères stables
Lors du déménagement, gardez les essentiels à portée de main et aménagez la chambre de l’enfant en priorité, en préservant des repères familiers comme ses draps, ses doudous... Essayez aussi de conserver certaines routines : heure des repas, du bain, du coucher… « Cette routine le réconfortera et l’aidera à vivre plus facilement la transition », explique Julie Nauwelaerts. Qui conseille également, lorsque c’est possible, d’espacer les changements : crèche, école, sevrage, propreté… Et de se montrer patient face à un enfant qui manifeste soudain « des besoins de tout-petit ». « Ce n’est pas vraiment une régression. C’est une manière de manifester son besoin de sécurité, de réassurance, de revenir à quelque chose d’acquis, de maîtrisé ».

► Aménagez des moments agréables
Les jours, voire les semaines qui suivent le déménagement, sont parfois chaotiques. Plutôt que de vouloir que tout soit parfait, gardez à l’esprit de pousser sur pause de temps en temps pour profiter de bons moments. On commande une pizza, on joue, on découvre le quartier : parc, piscine, bibliothèque… Si vous organisez une fête ou que vous accueillez des ami·es ou de la famille, n’hésitez pas à impliquer l’enfant en lui proposant de faire la visite guidée. Au milieu du bazar, on écrit ensemble le début d’une histoire.

POUR ALLER + LOIN

Bonjour Tristesse

S’il y a bien une émotion à laquelle nous sommes tentés de faire barrage, c’est la tristesse. La nôtre, comme celle de nos enfants. Or les spécialistes le répètent souvent dans nos pages : les émotions, même difficiles, ont une fonction. Elles nous disent quelque chose de nos besoins et nous aident à nous adapter à ce que nous vivons.
« Même quand un déménagement peut être pensé rationnellement comme quelque chose de positif, il y a toujours une part émotionnelle, une part de nostalgie, confirme Julie Nauwelaerts de l’ONE. Ce sentiment de tristesse chez l’enfant est très culpabilisant pour le parent, qui voudrait absolument arranger la situation. Or ce qui est important, c’est que l’enfant puisse faire part de cette tristesse, sans pour autant que ses parents veuillent trouver des solutions à tout prix ou nient ou minimisent. »
Ses conseils ? Rester à l’écoute, même après le déménagement, et laisser à l’enfant le temps de « faire son deuil ». Lui parler de votre propre tristesse (« Moi aussi, je suis triste de quitter…, en même temps je me réjouis de… ») pour lui permettre de se sentir moins seul·e. Vous avez sans doute déjà déménagé dans votre vie - peut-être avez-vous une expérience à partager ? Autre piste : se demander comment emporter une trace, même symbolique, du lieu que l’on quitte : photos, coffret de souvenirs…
Elsa Thiriot, enseignante et maman blogueuse (mercimontessori.com), suggère de créer un « livre du déménagement », dans lequel on écrit ensemble, pas à pas, l’histoire du déménagement, et dans lequel on rassemble des photos, des coordonnées d’ami·es… Avant de partir, elle propose aussi d’organiser une fête de départ ou, tout simplement, de prendre le temps de dire au revoir à la maison, au quartier, aux voisin·es…
Souvenez-vous du film Vice-Versa, dont le deuxième opus est sorti en juin, qui parle justement de déménagement… Parmi les personnages qui se disputent les manettes de son esprit, Tristesse est celui que Riley, 12 ans, cherche le plus à canaliser, allant jusqu’à l’enfermer dans un cercle tracé à la craie, et à ne plus écouter que Colère, Peur et Dégoût. Avant de comprendre que les larmes ont aussi un rôle salutaire à jouer !

À LIRE

Un coup de cœur, parmi les nombreux livres jeunesse sur le sujet : La comète, de Joe Todd-Stanton (L’école des loisirs, 2023, 6-8 ans). Plus poétique que didactique, ce bel album illustré raconte l’histoire de Mila, qui doit quitter la campagne pour la ville, mais ne se laisse pas abattre…

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