Avec... vous au Spiel '22, la grand-messe du jeu

Sur le papier, les samedis et dimanches sont vendus comme des évènements familiaux. Il est vrai qu’entre les trentenaires de noir vêtu·es à la recherche du dé à tête de chimère et les cosplayer aux tatouages Pokemon, on distingue en effet quelques familles sur les stands des éditeurs qui se retrouvent dans notre sélection. On en discute avec la sympathique équipe de Djeco, installée dans son espace qui ressemble à un de ses jeux. Si Spiel ravit une de ses membres par la forte fréquentation, elle déplore une trop grande disparité.
« Le salon est composé de cinq gigantesques halls. Au milieu des stands d’heroic fantasy, difficile pour les familles de découvrir des jeux qui leur sont destinés. On est un peu trop mélangés, ce qui crée des rencontres parfois surprenantes. Quand je vois certains joueurs, j’avoue que j’ai un peu peur (rires). Ce serait super de créer un grand pôle famille, on y gagnerait toutes et tous. »
Peut-être que ça fait partie aussi du plaisir de déambuler au milieu de publics que l’on ne voit pas d’ordinaire. Sauf quand on est abonné·es fêtes médiévales, aux concerts de métal, au sword and sorcery ou aux trois !
Des éditeurs taillés sur mesure pour les familles, il n’en manque pourtant pas. Le salon se déroulait quelques jours avant les premières séances de jeux organisées par le Ligueur avec les familles. On est donc très attentifs aux derniers titres que l’on pourrait rajouter à l’éventail de cette sélection 2022. On reçoit justement un message de Case Départ, le magasin de jeux et jouets de Louvain-la-Neuve. Présent la veille de notre arrivée, il nous invite à aller jeter un coup d’œil au stand de l’éditeur Matagot pour découvrir un jeu que l’on doit absolument tester. Nous nous y rendons.

Quelques kilomètres de déambulation plus tard, on ne sait toujours pas où poser nos yeux tant l’offre est abondante. Des joueuses et joueurs sont attablé·es, allongé·es parfois, complètement absorbé·es par leur ludique mais ô combien sérieuse passion. Ils et elles vont et viennent avec des valises vides à remplir. Si on savait le marché porteur, nous n’aurions jamais parié sur une telle frénésie. Il existe même un service de colis pour envoyer des jeux partout dans le monde.
Dans cette agitation ludique, difficile pour les éditeurs de tirer leur épingle du jeu. Pourtant, certains y arrivent très bien. On rencontre d’ailleurs la très chaleureuse délégation de Professor Puzzle, venue tout droit d’Angleterre avec qui on sympathise autour du brillant Tyle. En pleine partie, une cloche retentit, suivi d’un tonnerre d’applaudissements. On ne comprend pas ce qu’il se passe. En fait, l’équipe vient de récolter 10 000 €. Venue d’Angleterre sans système de paiement en ligne, elle a choisi un système de donation en cash pour ses jeux en vente. La somme va être reversée à une association. D’où une joie communicative et solidaire sur le stand.

Un peu plus loin, on est impressionné par les affiches gigantesques de ce qui pourrait ressembler à une sorte de Puissance 4. On ne comprend pas bien de quoi il en ressort et, de prime abord, nous ne sommes pas tellement intéressés. Mais le créateur du jeu, Klaus Burmester, nous happe. Et s’il y a bien une chose que l’on a appris au Spiel Messe, c’est que personne ne vend mieux un jeu que celui qui l’a conçu.

Autre découverte de cette grand-messe, c’est l’immense variété des jeux d’abstraction, de casse-têtes et autres que l’on peut faire à partir des jeux en bois. Nous avons parlé de notre super découverte Ludarden. Mais nous avons été séduits par tout l’univers de Steffen Spiele, Bamboo jeu et ses carrom, en passant par la déclinaison de Gigamic (Quoridor, Quarto…) et surtout le très sobre et efficace Gerhards.

Le Spiel Messe, c’est aussi l’occasion de retrouver des connaissances de longue date. Ainsi, au débotté, on retrouve Tom Delahaye de Cosmoludo, dont nous étions les premiers à vous parler avec son Jinns of the lake. Depuis, ses titres ont faire leur petit bonhomme de chemin. Sur son stand, des familles avec ados jouent frénétiquement. Et nous, on craque aussi pour YOXII.

Des trouvailles les plus absurdes aux déguisements les plus travaillés, on avance la tête farcie d’inventions. À chaque recoin, des idées géniales. On pense à la militance de l’éditeur féministe Oh Woman, à la beauté des jeux coréens mis à l’honneur cette année, à la fresque de Iello sur laquelle chacun marque son passage. Du championnat de cette variante du Rubik’s Cube au combat d’échecs où des parties se disputent en quelques dizaines de secondes, toute la créativité du jeu, sa force, son potentiel se déploie dans ce gigantesque endroit. Titanesque est le premier mot qui nous vient en tête. On y retournera à ce salon. Et peut-être même qu’on aura enfilé notre plus belle cotte de mailles, nos oreilles d’elfes, nos lentilles rouges et fait briller notre épée de chevalier… peu importe. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a bien un apparat que nous n’oublierons pas d’emporter, c’est bien notre âme d’enfant espiègle.

Vous trouvez que ce dossier n’a pas assez parlé de jeux de société et vous en voulez encore plus ? Alors, foncez vous procurer (ou pensez à offrir) ce grand ouvrage d’Hélène Delforge et Géraldine Volders qui replace le jeu dans le temps, restitue son évolution et passe au crible 40 titres qui façonnent cette belle et longue histoire sans fin qu’est le fait de jouer, toutes cultures, tous âges et tous horizons confondus.
► Une histoire du jeu de société (404 éditions)