Crèche et école

Il y a les pour : un meilleur développement cognitif et du langage, une sociabilisation dès le plus jeune âge, etc. Et les contre : mauvaise expérience, pas d’atomes crochus avec le milieu d’accueil, etc. Et vous, avez-vous déjà choisi de mettre votre enfant en milieu d’accueil ou hésitez-vous encore ? On ne vous donnera pas de réponse toute faite. Elle dépend du vécu de chacun·e. Par contre, on vous propose quelques questions pour vous aider à faire ce choix.
C’est la base, mais ce n’est pas si évident. Il faut s’y prendre très tôt et parfois faire une croix sur le plan qu’on avait prévu. Le côté pratique peut rattraper la décision qu’on avait prise au départ. Pas de stress, on se tranquillise et on regarde calmement si le milieu d’accueil final répond à nos attentes.
C’est l’un des grands défis de la réforme des milieux d’accueil qui est discutée en ce moment à la Fédération Wallonie-Bruxelles : garantir une place avec un encadrement de qualité à un prix abordable pour tous les parents. Mais certains ont fait le calcul : au vu du prix de la crèche, ils y perdent moins en prenant un congé parental à temps partiel pour s’occuper de leur enfant plutôt que de payer une place dans un milieu d’accueil plus cher.
Ainsi, parmi le tiers de parents qui ne met pas son enfant en milieu d’accueil, un cinquième affirme que c’est pour une raison financière, selon les tendances du dernier Baromètre des parents de la Ligue des familles. Un argument budgétaire que Nathalie Nader-Grosbois conseille de mettre en balance avec la plus-value d’un temps plein à la crèche. Cette spécialiste en psychologie du développement chez le tout-petit à l'UCLouvain nous amène donc à poser la question suivante…
Outre la période de familiarisation organisée par la crèche, notre psychologue plaide pour une transition à temps partiel. « Il faut laisser un moment de transition. Commencer par quelques matinées sur la semaine permet à la fois d’être vigilant·e et de voir comment le comportement de l’enfant change, d’avoir l’assurance que la communication avec la crèche se passe bien et que l’organisation en tant que parent se goupille. Un enfant qui passe tout le congé de maternité avec ses parents et qui, d’un coup, bascule à un temps-plein en crèche va être hyper fatigué. Il va devoir gérer beaucoup de changements et n’aura pas de répit pour se ressourcer tout près de ses parents. Côté parental, il risque de ne pas y avoir de moments privilégiés avec l’enfant car les week-ends seront chargés. Et donc, la portion du temps avec le bébé encore jeune restera encore limitée sans forcément être de qualité ». Rappelons que cette solution d’un temps partiel doit être prévue avec votre employeur/employeuse.
Les bénéfices de la fréquentation d’un milieu d’accueil foisonnent dans les études sur le sujet. Nathalie Nader-Grosbois en cite quelques-uns, à commencer par le rythme. « Quand un bébé fréquente un milieu d’accueil, il se retrouve dans une organisation structurée qui correspond au plus grand nombre. Ces moments aident le bébé à vivre selon des rythmes différents pendant la journée, les heures de repas, de sieste, de jeux, d’activités calmes. Il apprend à attendre, car les professionnelles ne peuvent pas toujours répondre à ses besoins immédiatement, ce qui l’amène aussi à s’autoréguler ». Elle cite également la sociabilisation. « La crèche favorise les interactions avec les autres bébés et jeunes enfants d’âges différents ». Aussi, être séparé de papa ou maman aide le bébé à passer du temps sans eux. « Il construit alors sa confiance en lui et découvre qu’il peut faire des choses par lui-même en dehors du noyau familial », explique la psychologue.
Si l’enfant peut y apprendre toutes ces choses, est-il réceptif à la fin du congé de maternité, soit à 3 mois, à les recevoir ? On dit souvent qu’il ne se différencie pas de son parent avant ses 8 premiers mois. Alors, peut-on vraiment parler de sociabilisation ? Pour la spécialiste en psychologie du développement, la réponse est oui : l’enfant est prêt à se séparer de son parent. « Ce n’est pas parce que l’enfant ne se reconnaît pas encore dans un miroir qu’il n’est pas encore prêt à sociabiliser, explique Nathalie Nader-Grosbois. Il y a des indices non verbaux très précoces qui témoignent du fait qu’il est un être social. À partir de 1 mois, il arrive à répondre avec des sourires. C’est un intérêt pour le visage des êtres humains. À partir de ce moment-là, ça vaut la peine qu’il soit confronté à des visages de différentes personnes. Il est déjà bien outillé visuellement et auditivement pour être immergé dans une communauté plus large que sa propre famille. À la fin d’un congé de maternité, l’enfant est déjà dans les premières découvertes de petites routines. Il a donc déjà repéré que quand il pleure, il a un biberon. Ça va lui servir à communiquer ses besoins à la crèche ». N’hésitez donc pas à faire savoir comment le bébé communique.
Si l’enfant doit apprendre à se séparer de son parent, l’inverse est vrai aussi. Aline, par exemple, en a fait l'expérience. « Nous avions inscrit Olivia à partir de 6 mois, raconte la maman. Mais, quand j’y suis allée avec elle et que j’ai fait toutes les démarches, je ne me suis pas du tout sentie en sécurité. Je la sentais trop petite. Donc, on a repoussé l’arrivée à la crèche. Les grands-parents étaient d’accord pour la garder une partie du temps. Le restant, c’est son papa, Jean-Philippe, et moi qui la gardons, on a tous les deux un mi-temps ».
Si le parent n’est pas convaincu, ça ne peut pas fonctionner, réagit Nathalie Nader-Grosbois. « L’enfant va ressentir cette inquiétude quand on va le déposer et là, le passage risque d’être stressant. Il y a un degré de confiance et de méfiance à gérer en tant que parent. L’inquiétude de cette maman, c’est un signal qui montre qu’elle est attentive au bien-être de son enfant et cela permet d’être vigilant ». La psy met aussi l’accent sur la nécessité de retrouver des moments seuls en tant que parent. « Personne n’est superman ou superwoman pour être 100% disponible pour son enfant en permanence. Ça peut faire du bien de pouvoir se reposer sur un milieu d’accueil ». Et de sortir de sa bulle… surtout en ce moment !
« Après avoir donné son attention au bébé pendant un an (neuf mois de grossesse, trois mois de congé de maternité, accouchement et post-partum), la maman a elle aussi besoin, même si elle ne s’en rend pas toujours compte, de temps pour se recentrer sur elle-même », explique Nathalie Nader-Grosbois. Idem pour le couple, prendre du temps pour se réapprivoiser, mentalement et physiquement. Avoir une journée sans bébé pour se retrouver juste à deux, ça peut faire du bien.
Si les carrières des papas sont moins souvent affectées par une naissance, celles des mamans le sont encore et toujours. Et des questions se posent : ai-je besoin de voir autre chose que mes quatre murs ? Si on est deux, quel est l’état d’esprit de l’un et de l’autre ? Est-ce que la carrière de l’un est plus sécurisée que la carrière de l’autre ? Ai-je besoin de me ressourcer ailleurs pour pouvoir mieux retrouver mon enfant en fin de journée ?
Pour Christelle, par exemple, il était primordial de recommencer à travailler après le congé de maternité de sa troisième. « Même si c’était difficile au début de me séparer de mon enfant, commence la maman, ça m’a fait beaucoup de bien à un moment de reprendre des journées pour moi, pour mon travail… pour moi-même ».
Pour Fanny, par contre, rester à la maison pour garder ses petites Emma, puis Tess, au-delà de son congé de maternité a été l’occasion de se recentrer sur sa famille pour mieux prendre du recul sur une carrière professionnelle qui ne lui plaisait plus. « Je n’avais plus envie d’être assistante sociale. Le travail en CPAS ne faisait plus sens pour moi. J’avais l’intention de me reconvertir ». Cette longue pause lui a donc permis de se lancer dans une autre aventure avec son mari, celle d’entrepreneuse.
Fanny et Lucas n’ont donc pas fait le choix de mettre leurs deux filles en crèche. Ou, plutôt, sont revenus sur leur choix après trois expériences négatives. « On a donc fini par abandonner l’idée. Les filles sont restées avec moi et c’est très bien comme ça. Personnellement, je n’ai jamais été gardée à l’extérieur de mon noyau familial quand j’étais petite et je suis devenue assistante sociale. Donc, point de vue empathie et sociabilisation, je ne pense pas que ça ait eu un impact négatif ». Damien Hachez, chargé d’études à la Ligue des familles, confirme cette tendance des parents à se calquer sur leur propre expérience : « Le vécu de chacun vient colorer sa décision ».
Mais le chargé d’études le rappelle : tous les parents n’ont pas forcément les capacités d’offrir du temps, un projet pédagogique, de nouveaux horizons à leur enfant. « Si tous les enfants ne doivent pas forcément fréquenter une crèche, tous doivent avoir le choix d’y avoir accès. C’est un droit de l’enfant », rappelle Damien Hachez. Ainsi, des bébés de tous les milieux sociaux, économiques et culturels peuvent grandir ensemble et favoriser une certaine mixité sociale, s’ouvrir d’autres horizons les un·e·s aux autres.
Les témoignages de parents qui ont choisi de ne pas mettre leur enfant en milieu d’accueil font souvent suite à de mauvaises expériences. Il est alors très difficile de renouer avec les milieux d’accueil. Nathalie Nader-Grosbois rassure : « Il est clair que le parent doit être sur la même longueur d’ondes avec les professionnel·le·s. Pour cela, il est très important de dialoguer. Vous soupçonnez que votre enfant ait été laissé pendant plusieurs heures dans une nacelle ? Demandez pourquoi il avait les fesses écarlates. Demandez des retours ». L’experte louvaniste rassure aussi sur les perturbations de sommeil et digestifs qui peuvent avoir lieu au moment de la transition. « Il faut parfois de trois jours à trois semaines pour que le bébé reprenne ses habitudes. C’est normal ». Et si vous voyez que ça vous inquiète, un mot-clé : le dialogue avec les professionnel·le·s (Médecin de famille, pédiatre et puéricultrices).
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