Développement de l'enfant

Thomas est en 4e primaire et a du mal à l'école. Il se renferme sur lui-même et n'est plus invité aux anniversaires. Pareil pour Juliette : elle se plaint d'être seule à la récré. C'est que dans la classe de ces deux enfants sévissent des « populaires ».
Les « populaires » ! C’est ainsi que les enfants nomment ceux qui font la loi dans la cour de récré.
Affreux jojo !
Ce ne sont pas à proprement parler des leaders bourrés de bonnes idées, qui entraînent le groupe dans des projets en tous genres, parfois sympas, parfois un peu limites, mais jamais vraiment méchants. Ici, il s'agit d'enfants qui prennent le pouvoir et deviennent de véritables dictateurs. Ils décident de tout : qui peut jouer ou non ? Qui peut faire partie de leur groupe ? Qui peut être l'ami de qui ? Ils font du chantage pour obtenir ce qu'ils veulent et exercent une emprise sur la classe. Soit on entre dans le moule qu’ils imposent, soit on est rejeté.
Se crée alors, dans la classe, un climat de terreur. Même si on n'est pas d'accord avec eux, il faut être l'ami des populaires, sinon on risque l'exclusion. Être leur ami, c'est un label de qualité.
Thomas et Juliette se retrouvent isolés, ils ne peuvent plus être amis avec qui ils veulent. Cet isolement suscite un sentiment de honte : les autres enfants ne les approchent plus car ce serait pour eux prendre le risque d'être rejetés à leur tour. Différents du modèle imposé, eux-mêmes n'osent plus aller vers les autres.
Les enfants dictateurs sont souvent des enfants auxquels on a peu dit « non », des enfants-rois qui n'ont pas dépassé la toute-puissance des tout-petits parce qu'on ne les y a pas aidés. Les adultes ne perçoivent pas ce qui se passe réellement, car ce sont souvent des enfants qui ont du charme, ils sont séduisants et semblent aimés tant des adultes que des enfants. En plus, Thomas et Juliette ne se plaignent pas puisqu'ils sont honteux d'être rejetés. Mais le malaise est là, avec les maux de ventre et les maux de tête du matin, les pleurs pour ne pas aller à l'école, les cauchemars et autres manifestations somatiques.
Et si on misait sur les « discrets » ?
Ces phénomènes d'emprise sont lourds et source de grande souffrance. Ils sont souvent à l'origine d’un système de racket. Il est important d'intervenir rapidement et, important, les enfants ont besoin de l'aide des adultes pour gérer ces phénomènes d'emprise.
D'autres enfants que Thomas et Juliette ne font pas partie de la bande des « populaires ». Ce sont des enfants plus discrets qui mènent leur petite vie tranquille en dehors des modes du moment. Si Thomas et Juliette ne vont pas vers eux, c'est parce que les « discrets » ne sont pas reconnus par les « populaires », ils ne sont pas labellisés !
Pour aider Thomas ou Juliette à s'exprimer, un bon truc est de les faire dessiner. Au centre d’une feuille, on place un rond qui les représente, eux, et on leur propose de placer les autres enfants en fonction des affinités. L’enfant rejeté prend alors conscience de l'existence d'autres groupes où ne règne pas la terreur. L’encourager à aller vers ces enfants-là va permettre de changer la dynamique du groupe mais surtout de changer le regard qu’il va porter sur les « populaires ».
Parents, instits : à chacun sa place !
Si votre enfant souffre d’être rejeté, il faut en avertir l'instituteur. Mais ce n'est pas à vous, parents, d'intervenir dans le groupe de la classe. L'école est le lieu des enfants et des professionnels responsables. La gestion de la classe ne vous appartient pas, encore moins l’éducation des copains de classe de vos petits. En tant que parent, vous pouvez aider votre enfant en le soutenant, en l'encourageant, en parlant avec lui de ces phénomènes de groupe. Il a besoin de retrouver sa confiance en lui. Il a besoin d'être reconnu dans ses compétences et dans ses différences.
Mireille Pauluis
ZOOM
Rejetés ou boucs émissaires ?
Thomas et Juliette ne sont pas des boucs émissaires. Le bouc émissaire dans un groupe est celui dont on se moque parce qu'il porte des lunettes ou qu'il est plus gros, ou pour n'importe quelle autre raison. Ce n'est pas gai non plus, mais le bouc émissaire se complaît souvent dans ce rôle, il y trouve certains avantages : il n'est pas du tout isolé, au contraire, il est le centre du débat. Il est un personnage important du groupe. Pas question de l'exclure !
Même s'il souffre des moqueries, le bouc émissaire a tendance à renforcer ses caractéristiques, à rester dans ce rôle. Ce phénomène-là est nettement plus visible et nécessite aussi une intervention de l'adulte.