Développement de l'enfant

Vêtements, sorties, argent de poche, télévision, ordinateur… tout est prétexte à discussions et à comptes d’apothicaire. Chaque enfant défend sa chapelle et se compare à son frère ou à sa sœur, à qui on passe tout, bien sûr ! À tel point que vous, parents, finissez par douter de votre impartialité à leur égard. Comment satisfaire chacun selon son âge et sans inégalités ?
Sportif de gérer les frères et sœurs ! C’est à l’âge dit « de raison » qu’ils apprennent de manière consciente que le même, c’est aussi l’autre, ici et maintenant, plus tard et ailleurs. Douloureusement, parfois.
L’autre, cet étranger…
Elle s’appelle Aurélie et a 25 ans. Cadette d’une fratrie de cinq enfants, elle a toujours voué à sa sœur aînée une admiration sans borne. « Pendant de nombreuses années, nous avons été très complices, et j’ai tout fait comme elle. Au point de suivre les mêmes études et d’exercer le même métier ! Aujourd’hui, je me rends compte que je ne suis pas moi-même. Mais comment construire ma vie de femme sans avoir peur de la trahir ? »
Le psychiatre Serge Hefez dit de la relation fraternelle qu’elle « confronte les enfants à une dualité : l’autre, cette ‘étrangère qui me ressemble comme une sœur’ est une rivale, une intruse, une semblable dont il faut se différencier. Cette dualité se définit à la fois par l’affection et le conflit, la rivalité et le pouvoir. Bref, par l’incontournable ambivalence.
Mais, ces rapports peuvent se modifier, contrairement aux places des parents, qui restent d’avantage fixées du fait de la différence des générations ». Et d’ajouter que la « jalousie fraternelle est stimulante, car elle conduit à se battre et à se différencier. Les rapports oscillent entre exclusion - ‘C’est elle ou moi’ - et identification - ‘C’est elle et moi‘, voire ‘Elle est moi‘. »
À travers l’histoire des enfants abandonnés qui se retrouvent solidaires, les contes nous renvoient à cette ambivalence : la violence des passions éprouvées conduit aussi bien à la solitude qu’au soutien envers et contre tout.
La dispute, un passage nécessaire
« J'ai une grande sœur et un petit frère, pourtant je m’ennuie, se plaint Christine, 12 ans. Ma sœur a 13 ans et est tout le temps sur son portable, son ordi ou sa Wii, nous engageons peu de discussions. Mon frère a 8 ans, il mange beaucoup ou regarde la télé. Et quand il veut jouer avec moi, c'est quand je fais mes devoirs ou quand je regarde une émission. Je lui dis ‘Pas maintenant’ et il commence à dire ‘Et pourquoi pas maintenant ?’ Je lui réponds : ‘Parce que j'ai pas envie’ et il me demande pourquoi j’ai pas envie et il continue ou, des fois, il m'injurie, éteint la télé ou renverse ma trousse et prend mes cahiers. Ça se transforme en bataille. »
Et si ces disputes étaient la scène où vos enfants exercent leur personnalité, où ils s’entraînent pour la vie ? Et si elles étaient positives pour se construire ? À la longue, les cris et les coups (quand il y en a !) s’épuisent, l’occasion alors pour les gamins, gamines d’apprendre à partager, à dialoguer, à s’affirmer sans s’énerver… C’est pour cela qu’il est bon, lorsqu’on est témoin de leurs disputes, de prendre du recul et de les laisser se débrouiller… tout en restant vigilant au cas où les événements tourneraient au vinaigre.
La jalousie : naturelle
Marcel Rufo, autre célèbre pédopsychiatre, renchérit à propos de la rivalité : « Elle aide les enfants d’une même fratrie à grandir et permet de faire le deuil de la toute-puissance de l’enfant-roi. Le sentiment de jalousie est naturel, au point qu’il faille s’inquiéter des aînés ne manifestant nulle agressivité à l’encontre de leur cadet. Et si ses manifestations sont parfois difficiles à vivre, il faut savoir que cette jalousie participe aussi à la construction de l'image que l'on a de soi. Elle stimule le désir de savoir, de se connaître soi-même. Mais il est important que cette jalousie soit entendue, et surtout pas niée ou condamnée. Car le jaloux aime et hait à la fois, il en souffre et culpabilise. »
Beaucoup d’enfants supportent mal de vivre en compagnie de leurs frères et sœurs. Régression, agressivité, turbulence, autant de comportements qui se soignent… par la tendresse. On ne le dira jamais assez : l’enfant à besoin d’être rassuré quant à l’amour que lui porte ses parents. Enfin, c’est souvent à l’adolescence que les relations entre frères et sœurs vont aller en s’améliorant.
K. M.
À LIRE
- Frères et sœurs, chacun cherche sa place, Françoise Peille (Hachette).
- Frères et sœurs, une maladie d’amour, Marcel Rufo (Le Livre Poche).
- Les aînés et les cadets, Marc Sznajder (Odile Jacob).