Vie pratique

Génération sandwich : trois grands-mères se racontent

La génération sandwich ne cesse de s’étoffer avec de plus en plus de tranches de pain à son actif. Parent, grand-parent, enfant de parents vieillissants, actifs bénévolement ou professionnellement, les grands-parents d’aujourd’hui cumulent les fonctions.

On vit de plus en plus vieux. L’espérance de vie en Belgique s’élève à 81,7 ans en moyenne selon les chiffres communiqués par Statbel, l’office belge de statistique. Ajoutez à cela qu’on travaille aussi jusqu’à un âge de plus en plus avancé avec un départ à la pension à 65 ans à condition d’avoir une carrière complète de quarante-cinq ans.
Mettez-les deux données dans le shaker et vous aurez vite compris que certains grands-parents sont très, très sollicités. À la fois parents, grands-parents, enfants de parents vieillissants et actifs bénévolement ou professionnellement. Le terme de génération sandwich évoque cette situation où les (grands) parents se retrouvent saucissonnés entre leurs (petits-)enfants d’un côté et leurs parents vieillissants de l’autre. Comment cette situation est-elle vécue ? Prise de température auprès de trois grands-mères.

« Quand je serai pensionnée, ma petite-fille aura 15 ans »

Ingrid, 56 ans, est maman de trois enfants. Les deux aînés ont déjà quitté le nid et sont tous deux parents. Le dernier est aux études et rentre le week-end. Ingrid a la chance d’avoir ses deux parents, qui ont 84 et 86 ans et vivent à côté de chez elle. Les aïeul·les ont encore bon pied, bon œil. Une petite visite chaque jour pour prendre la température suffit.
Heureusement, car Ingrid travaille encore à temps plein. Deux jours par semaine, elle se rend au bureau à Bruxelles, le reste du temps, elle est en télétravail. Cette possibilité et le fait d’avoir condensé son travail sur quatre jours et demi lui offrent de la flexibilité pour goupiller ses différents rôles. Le vendredi après-midi, Ingrid prend le relais de son mari auprès de ses petites-filles et répond au doux nom de Manou.
Sa place de grand-mère, Ingrid l’a prise dès l’annonce de la venue de sa première petite-fille. « J’ai tout de suite proposé de la garder le vendredi. Au début, je prenais un congé sans solde le vendredi matin. Pour la seconde, j’ai revu les choses pour perdre moins financièrement. On s’est alors réparti la journée avec mon mari ». Ingrid se reconnait-elle dans la génération sandwich ? À fond, répond-elle sans équivoque.

« Avec mes parents, je suis dans la fin de vie et la nostalgie quand, avec mes petites-filles, je suis du côté de la vie, de l’émerveillement »

« On n’a pas de temps pour nous. On travaille encore tous les deux à temps plein. J’ai pris cette décision pour mettre de l’argent de côté et ne pas être une charge pour mes enfants plus tard, mais c’est clair que si des mesures d’aménagements de fin de carrière existaient pour s’occuper de ses petits-enfants, je sauterais dessus. »
Pour Ingrid, il y a un enjeu de société. Quelque chose à repenser. Manou rêve d’une meilleure articulation de cette denrée rare qu’est le temps pour permettre aux grands-parents qui voudraient s’occuper davantage de leurs petits-enfants d’être moins tenus professionnellement. Ingrid a calculé, quand elle arrivera à l’âge de la pension, sa petite-fille aura 15 ans.

« On n’est pas préparé à devenir le parent de ses parents »

Nathalie, 60 ans, est elle aussi maman de trois enfants et grand-mère de deux petites-filles de 3 et 5 ans. Licenciée il y a deux ans, elle n’est plus active professionnellement. Ce nouveau temps libre a vite été mis à profit. Être disponible est devenu un temps plein pour Nathalie.
Les lundis et vendredis après-midi, elle reprend ses petites-filles à la sortie de l’école. Le mercredi midi, toute la tribu se retrouve aussi chez Mamé autour d’une grande tablée. Les jeunes reprennent du collier l’après-midi pendant que la jeune grand-mère s’occupe des petites-filles. Le jeudi est dédié au bénévolat auprès de l’asbl Lire et écrire, une manière pour Nathalie de se sentir utile socialement.
Nathalie est aussi très présente pour ses parents qui vivent en maison de repos. Elle reprend leur linge, fait des courses pour améliorer l’ordinaire, les accompagne aux rendez-vous médicaux ou administratifs. De quoi remplir l’équivalent d’une à deux journées par semaine.
Laver, conduire, nourrir, Nathalie sait faire. Ce qui la remue, c’est la charge mentale et émotionnelle que charrie son rôle d’aidante proche. « On n’est pas préparé à devenir le parent de ses parents. La semaine dernière, maman m’a dit : ‘J’ai peur de mourir’. Je n’ai pas su quoi lui répondre. Avec mes parents, je suis dans la fin de vie et la nostalgie quand, avec mes petites-filles, je suis du côté de la vie, de l’émerveillement. Passer de l’un à l’autre, parfois sur une même journée, me secoue plus que je ne le pensais ».

Regard d’une sociologue sur la génération sandwich

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Regard d’une sociologue sur la génération sandwich

« Avant d’être grand-mère, je n’imaginais pas la place que ma petite-fille allait prendre dans ma vie »

Sofia a 56 ans. « Yaya » depuis 4 ans, elle vit une réalité d’enfant d’immigré·es avec sa maman et ses beaux-parents qui vivent une partie du temps en Grèce et l’autre chez elle. « Il faut aider ses enfants et ses parents, c’est comme ça chez nous ».
Les deux fistons, restés à la maison jusqu’à leurs 29 ans, vivent de leur côté à présent. L’aîné est papa et habite à 150 km. Malgré la distance, Sofia est très proche de sa petite-fille. Souvent malade, la petite a pris l’habitude de se faire choyer par ses grands-parents quand elle ne pouvait fréquenter la crèche. Sofia la prend aussi pendant les vacances pour soulager les parents. Mais c’est surtout son amour pour sa petite-fille qui la pousse à le faire. « Avant d’être grand-mère, je n’imaginais pas la place qu’elle allait prendre dans ma vie », résume avec malice la Yaya comblée.
Comment cet investissement cohabite-t-il quand les arrière-grands-parents migrent vers le plat pays ? « Dans la bonne humeur. Chacun y met du sien, les aîné·es sont stimulé·es par la petite et vice-versa ». Un sandwich plus que garni pour une Yaya qui travaille encore à temps plein. Elle ne s’en plaint pas. Comme elle habite loin des siens une bonne partie de l’année, elle estime avoir du temps pour elle. Elle pourrait déjà partir à la pension dans cinq ans, mais n’est pas sûre d’avoir envie de s’arrêter.

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