Santé et bien-être

Si on vous dit « troubles des conduites alimentaires » (TCA), vous pensez sûrement à l’anorexie et la boulimie. Pourtant, bien que méconnu, le plus fréquent est l’hyperphagie. Symptomatique d'une génération de jeunes qui poursuit le combat contre les injonctions à la minceur à tout prix.
La recherche suggère que la prévalence de l’hyperphagie – tout comme les TCA en général – est globalement plus élevée chez les adolescent·es que dans les autres groupes d'âge de la population mondiale. Tout aussi destructeur sur le corps et l’estime de soi que ses congénères anorexie et boulimie, l’hyperphagie – que l’on dit aussi « hyperphagie boulimique » – se manifeste principalement par le fait de manger beaucoup. Beaucoup plus que ce qu’une personne non concernée par ce trouble ne pourrait normalement ingérer. Mais contrairement à la boulimie, pas de comportements compensatoires comme la prise de laxatifs ou les vomissements provoqués.
Si vous n’avez jamais entendu parler du terme « hyperphagie », vous connaissez peut-être le binge eating. Selon l’American Psychiatric Association (APA), le binge eating disorder est un trouble chronique qui peut entraîner de graves complications de santé, notamment l'obésité, le diabète, l'hypertension et les maladies cardiovasculaires. Si ce TCA est finalement peu connu, c’est aussi parce que, d’un point de vue médical, il est le dernier à avoir fait son apparition dans le manuel de diagnostic de l’APA, le fameux Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, ou DSM, un acronyme familier dans le jargon des psychothérapeutes.
La cinquième édition du DSM précise que le diagnostic de l'hyperphagie boulimique requiert des crises fréquentes (au moins une par semaine pendant trois mois), associées à un sentiment de perte de contrôle pendant les prises alimentaires et au moins trois des caractéristiques suivantes : manger plus rapidement que la normale, manger jusqu'à ce que la sensation de satiété soit inconfortable, manger de grandes quantités de nourriture alors qu'on n'a pas faim, manger seul·e parce qu'on se sent gêné·e par la quantité d'aliments que l'on consomme, se sentir dégoûté·e de soi-même, déprimé·e ou coupable après avoir mangé.
Psychothérapeute et experte à la Jed Foundation, une organisation à but non lucratif qui protège la santé émotionnelle et prévient le suicide des adolescent·es et des jeunes adultes outre-Atlantique, la docteure Rebecca Eyre souligne que l’hyperphagie boulimique est souvent incomprise, non diagnostiquée, mal, voire non traitée par le corps médical qui prescrit souvent des régimes au lieu de traiter le problème sous-jacent. À savoir, une relation déséquilibrée avec l'appétit.
« Le problème, c’est qu’on n’apprend pas assez, étant petit, à répondre à la sensation de faim, et donc finalement, à manger, souligne Françoise Dominé, pédiatre spécialisée en médecine de l’adolescent au CHC Montlégia à Liège. Pire, on oblige parfois les enfants à terminer une assiette en leur signalant que le dessert pourrait leur passer sous le nez. Pourtant, les enfants se connectent plutôt intuitivement à leur sensation de satiété. J’explique toujours aux patient·es avec qui je mène une thérapie cognitivo-comportementale qu’il faut se rebrancher sur cette sensation, même si ça implique dans un premier temps de se décaler des horaires de repas qui sont socialement prévus, le matin, le midi, le goûter, le souper. »