Les enfants de Madame Ô et Petit manuel du matelot

Au premier coup d’œil, cet album de belle dimension capte le regard par la palette de la couverture et le climat étrange qui se dégage des pages de garde. Cette Madame Ô du titre intrigue également. À raison comme on pourra le vérifier par la suite. L’histoire démarre d’une manière on ne peut plus quotidienne. Des enfants se baignent près d’une cascade et tiennent Sido, la plus jeune de leurs camarades, à l’écart. Vexée, celle-ci s’éloigne mais laisse tomber son doudou dans la rivière. Catastrophée par la perte de son bien peut-être le plus précieux, la gamine lui court après et s’enfonce dans la forêt où des ombres veillent entre les troncs. Une grande Dame aux attributs étranges surgit. Le récit prend dès cet instant des tonalités fantastiques et nous fait entrer dans un univers animiste. Entre le monde de l’enfance et celui des animaux, une inattendue connexion se crée. Par le basculement du récit, les auteurs évoquent une initiation au monde qui nous entoure et un rite de passage pour dépasser les peurs enfantines et passer à autre chose. Cet album est traversé par un souffle d’une grande force évocatrice. Les textes sont d’une grande précision, avec des dialogues qui font mouche. Les illustrations occupent magnifiquement l’espace par leurs volumes et leurs couleurs vives dont un pantone vert qui en dit long, mais aussi par ce qu’elles suggèrent de présences mystérieuses. Il faut dire que deux artistes hors normes sont derrière Les enfants de Madame Ô. L’auteur, Jean-Christophe Cavallin, est un grand spécialiste du vivant, professeur à l’Université d’Aix-Marseille en charge du master Écopoétique et création, auteur chez Corti des essais Valet noir et Nature, berce-le. Il signe ici magistralement un premier album jeunesse. Quant à l’illustrateur, Jérémie Moreau, il est loin d’être un novice de l’illustration que ce soit en jeunesse, BD ou animation. Il dirige la collection Ronces chez Albin Michel où est publié l’album Les enfants de Madame Ô, une collection d’une grande modernité qui met en lumière l’importance de la cohabitation entre humains, animaux et végétaux tout en éveillant les jeunes lecteurs et lectrices aux enjeux climatiques et environnementaux du 21e siècle. Dans la même collection, il est l’auteur-illustrateur de La Chambre de Warren (2023) et auteur du Roi-Chat (2024). (à partir de 4 ans)

Un voyage en mer, c’est comme un voyage dans la vie. Face à l’inconnu et aux potentiels dangers, mieux vaut se préparer. Et être guidé par une personne expérimentée. Par exemple, un vrai marin. C’est ce que conseille la voix off de Petit manuel du matelot (A2Mimo) qui tutoie le lecteur ou la lectrice. Le texte est repris dans un élégant caractère à la pâte bleu clair. La première double page nous situe dans un port de pêche. Les marins chargent et déchargent les bateaux. Un enfant embarque à bord d’un bateau de pêche avec une personne de confiance, qui sait beaucoup de choses, connaît les pièges et dangers, peut dispenser ses conseils, attire l’attention sur les merveilles du monde marin en sachant que la plus belle destination est le voyage lui-même. Les gravures de Sara Stefanini nous emmènent sur et sous les vagues. Vivre, c’est voyager. Voyager, c’est vivre. Nous espérons que l’été vous aura permis de découvrir le monde, proche ou lointain, à l’image du jeune moussaillon de ce récit quasi philosophique (à partir de 3 ans).