Vie pratique

« Mon petit-enfant ne veut pas me faire de câlins »

À l’heure de dire bonjour à leurs grands-parents, certains enfants se montrent distants, enfouissent leur visage dans le cou de leurs parents et refusent le bisou que – parfois – l’adulte attend. Et si, au lieu d’insister, on cherchait à se comprendre et à imaginer, ensemble, d’autres manières de se saluer ?

Lorsque nous lui rapportons les témoignages de grands-pères et grands-mères un peu dépité·es parce que leur petit-enfant refuse de les embrasser, Mireille Pauluis n’est pas étonnée. Psychologue, elle a non seulement une riche expérience auprès de patient·es de tous les âges, mais elle est également grand-mère de huit petits-enfants, dont le plus jeune a aujourd’hui 9 ans.
« Tout le monde n’aime pas les câlins et les embrassades, rappelle-t-elle d’emblée. Il y a beaucoup de facteurs qui influencent cela, à commencer par des différences individuelles, de familles, de génération ou encore de culture ». Les habitudes varient d’une famille à l’autre. « Il y a des familles où on adore se donner des bisous et se prendre dans les bras. Et puis d’autres familles où on est plus réservé. Il n’y a pas vraiment de règle ». Ni de modèle à suivre, donc.

Des différences individuelles

Mais la culture familiale n’explique pas tout. « Donner un bisou est quelque chose de très intime et les petits enfants n’aiment pas toujours ça », continue Mireille Pauluis. Ajoutant que parfois, il s’agit d’une question d’âge, susceptible d’évoluer : « Quand les enfants commencent à réaliser que l’autre peut penser autrement qu’eux, la notion de l’espace propre, psychique et physique, de chacun s’installe. Tous mes petits-enfants ont eu un moment, vers 5, 6 ou 7 ans, où ils n’ont plus eu envie de câlins. Maintenant qu’il a 9 ans, voilà que le dernier recommence à en donner ».
Chaque grand-parent aussi est différent. « Si on est face à quelqu’un qui se montre très réservé, c’est difficile d’aller dans ses bras », observe la psychologue. Qui constate que certains grands-pères actuels, parce qu’ils se sont peu occupés de leurs propres enfants ou qu’ils ont reçu une éducation plus rigide, sont « un peu gauches » avec leurs petits-enfants. Pour que ces derniers se sentent plus à l’aise, elle encourage ces grands-parents à faire eux-mêmes « un petit effort, en proposant d’abord à l’enfant de jouer un peu, pour mieux se connaître ».

Respecter l’intimité de l’enfant

Son principal conseil aux grands-parents comme aux parents ? Respecter le refus de l’enfant : « Il y a des moments où les enfants n’ont pas envie qu’on vienne trop près d’eux, et je trouve qu’il faut respecter ça. On ne peut pas demander à l’enfant de respecter l’autre si on ne le respecte pas lui. Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimité, du respect du corps ». Des notions importantes auxquelles les enfants d’aujourd’hui sont souvent sensibilisés dès le plus jeune âge, à l’école notamment.

« On ne peut pas demander à l’enfant de respecter l’autre si on ne le respecte pas lui »
Mireille Pauluis

Psychologue

Imposer à l’enfant de donner un bisou est contreproductif, constate encore Mireille Pauluis. Car bien souvent, « cela participe à la construction de la muraille ». Tel un bâtisseur de château fort, l’enfant risque en effet de rehausser ses remparts face à l’insistance des adultes. Pour éviter l’escalade, mieux vaut sortir le drapeau blanc en lui disant, par exemple : « Je comprends que tu n’aies pas envie de donner de bisous, mais tu dois dire bonjour. Tu veux qu’on fasse comment ? ».

« On se fait un check ? »

Si les parents ont un rôle à jouer pour faire comprendre à leur enfant que dire bonjour relève de la politesse et du respect, les grands-parents aussi peuvent participer à « coder » la relation en l’aidant à trouver une formule qui lui convient. « Il n’y a pas de modèle obligé, on peut inventer et proposer quelque chose de moins proche pour l’enfant », suggère la psychologue. Qui rappelle que la crise sanitaire, en bousculant la culture du bisou, a permis d’imaginer d’autres manières de se saluer. Se faire un « check », se dire bonjour avec la mainou simplement avec des mots… les possibilités sont nombreuses. Et les surprises ne sont jamais exclues : « Parfois, les enfants ne veulent pas donner un bisou en arrivant. Mais tout d’un coup, après un moment, ils viennent se blottir dans vos bras pour que vous leur lisiez une histoire. Et ils le feront plus facilement si on respecte leur espace ».

POUR ALLER + LOIN

Y a-t-il des « (petits-)enfants covid » ?

Deux grands-mères s’interrogent. Elles ne se connaissent pas, mais nous rapportent des témoignages similaires. Chacune a un petit-enfant de 7 ans, qui en avait donc 3 lors du premier confinement. Aujourd’hui, voyant leur tempérament plutôt « farouche », elles se demandent dans quelle mesure la période covid et ses mesures de distanciation ont marqué leurs relations.
En réalité, on ne sait pas (encore) grand-chose de la manière dont la crise sanitaire a marqué les jeunes enfants sur le long terme. Plusieurs études ont montré que – sur le moment – les confinements avaient eu un impact important sur leurs émotions et leurs comportements et que le « vivre ensemble en famille » s’était bien souvent dégradé*. Mais la question des traces qu’ont pu laisser ces difficultés, qui font aujourd’hui partie de l’histoire de ces enfants, a été peu étudiée jusqu’ici.
Les pédopsychiatres que nous avons contactées en quête de données se sont montrées prudentes : la question est intéressante et il est possible que certains enfants aient été plus marqués que d’autres, mais elles ne le constatent pas dans leurs consultations et ne voudraient pas formuler de conclusions hâtives, car de nombreux facteurs peuvent entrer en ligne de compte. De manière générale, les enfants semblent s’être plutôt bien adaptés, nous disent-elles.
Mireille Pauluis, psychologue, partage ces constats. Et ajoute qu’il n’est pas impossible que des enfants qui ont maintenant 7 ans aient encore en tête ce qu’on leur a dit en 2020 : « Il faut protéger les grands-parents. Il ne faut pas les embrasser et rester à distance pour ne pas les contaminer ». En cas de doute, elle rappelle que les parents peuvent encore mettre des mots, pour les rassurer : « Tu sais, aujourd’hui, le covid est à peu près parti et ton grand-père ou ta grand-mère ne sont plus en danger ».

* Selon une étude menée par l’ULiège auprès de parents d’enfants de 4 à 13 ans, un enfant sur deux présentait davantage d’irritabilité, de difficultés à tolérer la frustration, de nervosité et d’inquiétude pendant le premier confinement. D’autres émotions, comme la solitude, l’ennui, la colère et la tristesse étaient également en augmentation.

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