Vie pratique

Parents et amants, un rêve possible ?

Fatigue, microbes, frustration, manque de temps… le quotidien des parents n’est pas toujours très glamour. Pourtant les superparents crevés, cernés et à l’écoute de leurs enfants ont bien besoin eux-aussi de se chouchouter, tous les deux. Et de se retrouver en couple. Comment ? Pourquoi ? On fait le point avec Sylvie Loumaye, psychologue et sexologue. Elle aide au quotidien des couples à réenchanter leur vie sexuelle.

« Besoin de rien, envie de toi », lui fredonne-t-elle discrètement en fin d’après-midi alors que les invités s’éclipsent après une superfête d’anniversaire d’enfants. Bientôt… bientôt la maison retrouvera son calme nocturne. Les enfants dormiront, tous.
Et enfin, enfin, l'un·e enlèvera son tablier et l'autre troquera ses habits de jour contre du plus léger, du plus sensuel. Ensemble, ils pourront profiter du clair de lune... Mais d’abord, place à la vaisselle, au rangement, à la préparation des cartables… Et puis enfin, enfin, ils seront à deux, libres de s’endormir comme des masses. Quel challenge de s’improviser une soirée torride quand on est parents !

Vous qui êtes psy et sexologue, rassurez-nous : être parents et amants, c’est encore possible avec plusieurs enfants ?
Sylvie Loumaye :
« Oui, faire coexister une vie de couple et une vie parentale, c’est un fameux challenge, mais c’est possible ! Ça nécessite bien sûr des ajustements, de la patience et de la communication. Car la naissance d’un enfant, c’est toujours un chamboulement. Et pas uniquement au niveau du couple. Déjà, il y a une abstinence sexuelle médicale imposée de six à huit semaines après l’accouchement, parfois plus s’il y a eu des complications. Donc une petite mise à distance sexuelle est imposée d’office. Certains pères sont ainsi un peu refroidis après avoir vu le sexe de leur femme tellement écarté lors de l’accouchement.
Ensuite, il y a la fatigue, avec un grand F : on ne sait plus comment on s’appelle, on n’a même plus le temps de prendre sa douche. Cette grosse fatigue, c’est le premier tue-l’amour d’un couple. Être réveillé plusieurs fois par nuit, c’est infernal.
L’allaitement aussi peut être un obstacle supplémentaire. Je suis 100 % pour l’allaitement. Mais quand les seins, vus comme objets de plaisir jusque-là, deviennent aussi source de nourriture, ce n’est pas toujours facile à intégrer. L’ocytocine libérée pendant l’allaitement, cette hormone très importante pour l’attachement mère-enfant, peut également être un frein pour la libido de la maman. Parfois, elle cause des sécheresses vaginales. D’où l’importance d’attendre une lubrification suffisante ou d’utiliser un lubrifiant à base d’eau pour éviter tout rapport sexuel douloureux. »

L’arrivée d’un bébé bouleverse et modifie le couple. Et au milieu de ces chamboulements, la maman semble trouver plus vite sa place.
S. L. :
« Effectivement. Après la naissance, il y a cette nécessaire fusion maman-bébé qui permet au bébé de jouir des soins adéquats. Mais à un moment donné, l'autre parent doit venir trianguler cette fusion. Et l’idéal, selon moi, c’est de le faire le plus vite possible. Laisser l'autre parent prendre sa place, le laisser s’occuper du bébé pour le biberon s’il y en a, pour aider le petit à faire son renvoi, pour une balade le temps d’une sieste de la maman… On peut s’y mettre tout de suite. En fait, il ne doit pas voir le bébé comme un obstacle. Retrouver sa femme comme avant, ce n’est pas possible. Sa femme change inévitablement. Tout change avec un bébé. La vie des parents est rythmée par celle de ce nourrisson tellement dépendant. On ne fait plus de resto, moins de sorties… Le couple n’est possible que si on accepte de devenir parents.
Et pour cela, l'autre parent doit prendre sa place le plus tôt possible. D’ailleurs, déjà pendant la grossesse, l’haptonomie ou d’autres approches de préparation à la naissance aident à construire cette place. »

« Au-delà du bon temps passé à deux, c’est de l’éducation à l’amour qu’on montre à nos enfants. »

Donc, s’investir à deux, c’est tout bénéfice pour le couple aussi…
S.L. :
« C’est ça. Par exemple, l’avantage de ces papas modernes qui prennent leur place, c’est qu’ils renforcent le lien qu’ils ont avec leur enfant et contribuent à diminuer la fatigue de la maman, de leur femme. Un papa qui prend du temps avec son bébé permet à la maman de se reposer et de dégager de l’énergie pour autre chose, pour son couple par exemple. Ça instaure une confiance entre maman et papa. Même si dix jours de congé de paternité après une naissance, ce n’est pas énorme. Autre avantage et pas des moindres : en s’occupant de son bébé, l’homme produit des hormones qui tempèrent ses ardeurs sexuelles. »

La parentalité peut rapprocher un couple. Mais que conseillez-vous pour que les parents puissent garder leur connivence sexuelle ?
S. L. :
« Il faut fonctionner avec des parenthèses, avec des casquettes différentes et jongler. Troquer de temps en temps sa casquette de parent pour mettre celle de conjoint·e ou d’amant·e le temps d’une sortie. Il faut absolument s’octroyer du temps en couple avant les 2-3 ans de l’enfant, car les habitudes s’installent très tôt. Alors, bien sûr, c’est toujours un peu compliqué au début. Il y a des caps à passer : celui de l’enfant qui dort dans sa propre chambre, celui de la première sortie sans enfant ou encore du premier week-end à deux…
Ce temps qu’on s’accorde en couple est lié à la façon dont on a été éduqué, si nos parents se sont octroyés du temps à deux ou pas. Évidemment, tout cela est encore plus compliqué si les grands-parents mettent inadéquatement leur grain de sel dans l’éducation de leurs petits-enfants.
Certains parents doivent apprendre à lâcher prise dans leur rôle de parent. Ils ne doivent pas être 24 heures sur 24 avec leurs enfants. Ils ne sont pas tout-puissants par rapport à leurs enfants. Au contraire, l’enfant a besoin d’une variété de référents adultes autour de lui : des éducateurs, des instituteurs, des parrains, marraines…
Couper le cordon ombilical, c’est très progressif : d’abord un dodo chez mamy, puis quelques jours de classe verte en maternelle… Les parents doivent faire confiance à leur enfant et au personnel encadrant. Et puis, surtout, ils doivent dépasser leur propre vécu émotionnel. Car plus le parent est confiant et calme, plus l’enfant sera zen à son tour pour aller découvrir l’inconnu. »

« Une fois par mois, le couple conjugal doit remettre une dose de substrat dans ses racines »

Comment expliquer à un enfant que ses parents ont besoin de temps à deux, sans lui ?
S. L. :
« Je crois qu’il est important de nommer ce temps. De dire, par exemple : ton papa est aussi mon amoureux et à ce titre, on passe aussi parfois du temps en amoureux. On peut, par exemple, instaurer une sieste dominicale de 14 à 16h si l’enfant dort ou qu’il est en sécurité. Il faut cadrer très fort pour que cette notion d’intimité conjugale existe dans la tête des enfants.
En fait, c’est très soulageant pour un enfant de voir ses parents souriants qui partent à vélo ensemble. Voir ses parents faire leur vie permet à l’enfant de faire la sienne. Et au-delà du bon temps passé au resto, c’est de l’éducation à l’amour qu’on montre à nos enfants. Ces moments à deux renforcent l’amour, l’équilibrent et rattachent le couple par un jeu hormonal. Passer du temps à deux, c’est nourrir son intimité conjugale. Pour les modalités pratiques, chaque couple trouvera ses solutions. Mais c’est important de se fixer des rendez-vous, de pouvoir se réjouir à l’avance, d’en profiter au moment même et de le réévoquer par la suite… Une fois par mois, le couple conjugal doit remettre une dose de substrat dans ses racines. J’ai connu un couple qui se réservait tous les vendredis soirs. C’était le moment instauré pour le couple et les enfants l’avaient bien intégré, c’était incontournable !
C’est tout bénef pour l’enfant, car un couple bien lié, ce sont des parents qui restent ensemble. Le plus dur pour un couple, c’est la première année de vie de l’enfant car tout est à inventer et à construire pour passer ce cap de la parentalité. »

Et si ce cap est passé, les parents auront sans doute plus de facilités à se retrouver le jour où leurs enfants quitteront la maison…
S. L. :
« Évidemment, le couple qui a pris le temps de s’octroyer des parenthèses se retrouvera plus facilement quand ses enfants s’en iront en kot ou qu’ils feront leur vie. Mais il est toujours possible de suivre une thérapie de couple pour diversifier et relifter sa sexualité. Je travaille avec certains couples de quinquas sur les fausses croyances, la communication, les attentes, je leur donne des missions pour qu’ils se surprennent l’un l’autre. Découvrir un endroit insolite, un livre érotique, un massage sensuel, un gadget… L’objectif est de ramener du mystère. C’est vraiment gai. »

 


Propos recueillis par E. W.

 

 

En pratique

3 conseils pour combiner couple conjugal et couple parental

► Un rendez-vous par mois inscrit dans l’agenda. Maintenir ou organiser un cadre et un temps pour des rendez-vous de couple, c’est essentiel. Le but est de passer du temps à deux, juste à deux. Et peu importe qu’on fasse une sieste, une balade, qu’on déguste une glace ou qu’on reste simplement chez soi, l’essentiel est de pouvoir se rapprocher l’un de l’autre. Simplement. Sans enfiler nécessairement une cravate et des talons aiguilles à chaque rendez-vous. Sans se mettre de pression. Et sans forcément qu’il y ait pénétration.

► Respecter le rythme et les limites chacun. Avec une attention particulière pour la maman d’un bébé en bas âge. « C’est à l'autre parent à se mettre au niveau de la maman, même si ce niveau est assez bas pour qu’ils puissent remonter ensemble », conseille la sexologue. Si après six mois-un an le couple n’a pas pu se retrouver ou s’ajuster, un petit tour chez un sexologue peut être utile.

► Communiquer, mais pas qu’avec des mots. Bien sûr, il faut communiquer dans un couple. De façon verbale et de façon non-verbale. De quoi ? De tout, de rien, de vos souhaits, de votre sexualité, des nouvelles positions que vous aimeriez tester… Toujours pour maintenir ce lien qui vous unit, peu importe les nouvelles modalités qu’il prend. Et ne pas hésiter à se chouchouter à coup de lumières tamisées et de massages partagés.

Conseil bonus pour la maman : bien rééduquer son périnée après un accouchement. « Retrouver son périnée permet de retrouver ses orgasmes chez les femmes orgasmiques et maintenir une bonne fonctionnalité des organes sexuels ». Oh oui ! On veut ! Alors, les nanas, on contracte son périnée, même en lisant le Ligueur. D’abord doucement, puis de plus en plus fort en comptant jusqu’à 15, c’est parti. Puis on relâche doucement. Et on recommence dès qu’on y pense.

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