Développement de l'enfant

Parler des enfants comme s’ils n’étaient pas là

Souvent, on sous-estime à quel point les enfants peuvent comprendre des discussions d’adultes. Or, en oubliant de les inclure, certains parents peuvent provoquer des angoisses chez leur·s petit·e·s. On en parle avec Isabelle Taverna, psychologue clinicienne et psychanalyste praticienne.

« Anita a des soucis à l’école. On ne comprend pas, sa maîtresse nous a convoqués à une réunion ». « C’est compliqué avec Félix pour le moment, il ne dort toujours pas alors qu’il a 3 ans ». Parfois, dans notre quotidien, nous, parents, avons besoin de partager aux autres des incertitudes liées à notre vie de famille. Parfois, nous le faisons en présence de nos petits bouts qui n’en manquent pas un mot.  

Quand des parents parlent de leurs enfants sans tenir compte de leur présence, qu’est-ce que cela provoque chez l’enfant ?
Isabelle Taverna : « Cela lui indique que le parent ne le considère pas comme un sujet qui pourrait comprendre ce qui est en train de se dire. On a parfois tendance à penser que si les enfants ne parlent pas, ils ne comprennent pas. C’est une erreur : un bébé, par exemple, ne saisit peut-être pas la teneur de nos mots, mais ressent nos émotions et notre état d’esprit. Il associe des termes à des sensations. Parler de l’enfant en sa présence sans l’impliquer, c’est ne pas le reconnaître, ne pas prendre en compte sa subjectivité, ce qui peut être délétère pour lui. »

À partir de quel âge peut-on se dire que l’enfant comprend ce qui se dit dans la pièce ?
I. T. : « Dès le premier âge. Il faut d’ailleurs être d’autant plus vigilants avec les bébés : ceux-ci perçoivent les choses, mais n’ont pas encore accès aux mots pour s’exprimer et nous demander de les rassurer. Ils réagiront en bougeant leur corps, en pleurant, mais ils seront impuissants à exprimer les choses autrement, ils ont besoin de l’adulte comme ‘traducteur’. Les bébés sont des petites personnes tout aussi sensibles à ce qui se dit que les grandes personnes. Cependant, c’est à nous de leur donner cette place et de tenter de déchiffrer ce qu’ils nous adressent avec leur corps, de faire l’hypothèse qu’ils nous comprennent et tentent de nous communiquer quelque chose. »

Quels peuvent être les effets à long terme de ce genre de situation sur les enfants ?
I. T. : « Tout dépend de la teneur des propos tenus devant l’enfant. Mais l’un des effets certains, c’est que l’enfant ne se sentira pas reconnu, ne se sentira pas avoir une place et aura l’impression d’être exclu de la conversation. Par ailleurs, un parent qui estime que l’enfant peut tout écouter, car, ‘de toute façon, il ne comprend pas’, induit une forme d’indifférenciation à son égard : on peut tout dire face à l’enfant et, en même temps, on considère que cela n’est pas compréhensible pour lui. Or, non seulement l’enfant entend des choses qu’il n’est pas toujours censé entendre, mais, en plus, on ne lui donne pas l’occasion de s’exprimer à leur propos. »

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