Crèche et école

Pour ou contre : sauter une classe

Certains parents peuvent se retrouver confrontés à une question épineuse : faire sauter ou pas une classe à son enfant ? Une telle décision ne se tranche pas de façon péremptoire. Pour bien vous aiguiller, nous avons donc réuni anciens élèves, profs, psychologues scolaires et parents.

« To saute or not to saute », là est la question. Elle est plus délicate qu’on ne le croit. Si, dans les années 1980/90, c’était la grande frime d’avoir un gamin qui sautait une ou plusieurs classes, aujourd’hui il plane comme un doute. À juste titre. D’ailleurs, sachez que pour sortir de la connotation hyper valorisante, les termes ont évolué.
En 2019, un élève effectue un « passage anticipé ». Il procède à une « accélération du cursus scolaire » ou à l’inverse à un « raccourcissement de la durée du cycle »… Certains des protagonistes interrogés n’ont pas manqué de nous reprendre à plusieurs reprises. Si ça ne vous ennuie pas, procédons à ce tour de table sans jargon. Et concentrons-nous plutôt sur l’essentiel : qu’est-ce qu’on fait de l’enfant à la rentrée prochaine ?

POUR  Éviter qu’il ne s’ennuie

« Quand l’école nous a informés de la décision de faire passer Corentin de la 2e primaire à la 4e, la décision a été facile à prendre. L’objectif étant qu’il ne passe pas le plus clair de son temps à s’ennuyer. L’école a insisté : le risque, quand un petit s’ennuie, est qu’il ne veut plus apprendre. Précoces ou pas, certains enfants ont la particularité de ne pas avoir de difficultés à apprendre. Pour Corentin, le fait de passer à un niveau plus élevé revenait aussi à développer - enfin - un sens de l’effort et de ne surtout pas se reposer sur ses acquis. Ce qui lui a permis aussi de se cogner à des obstacles pour la première fois de sa scolarité. Et ça nous semble important qu’il apprenne à franchir un obstacle. Bien qu’un peu laborieuse en début d’année, sa 4e se déroule sans heurts. Jusqu’ici, il a de très bons résultats. » 
Freddy, papa de Corentin, 9 ans

POUR Préparer son intégration

« Il y a quelques épreuves qu’il est important d’exposer à l’enfant et aux parents dans ce cas de figure. D’abord, s’assurer qu’il ait envie d’effectuer ce passage. Bien sûr, au-delà de la question du niveau scolaire, il y a un enjeu majeur à cet âge : le fait de quitter ses camarades. Même si un enfant de 7 ans peut sans problème s’intégrer avec des enfants de 9 ans, par exemple, il y a toujours une sorte de hiérarchie entre élèves. ‘Toi, tu étais un 1re, qu’est-ce que tu viens faire chez les 3e ?’. En cela, les parents et les enseignant·e·s doivent bien s’assurer que tout le monde est prêt pour la transition. Dans les petites écoles, j’encourage même à créer des interactions entre les enfants dès la fin de l’année. Car le seul intérêt de sauter une classe, à mon sens, c’est le mieux-être de l’enfant. »
Sylvie, directrice d’école

Plutôt POUR Comprendre pourquoi

« Souvent, ce qu’il se passe, c’est que l’école, via les enseignants, annonce : ‘Voilà, on ferait bien passer votre enfant directement en 3e’, sans expliquer pourquoi. Comme le parent est un peu flatté, quelque part, il va juste réfléchir sur la problématique de l’intégration avec les plus grands. C’est souvent pour ça que certaines expériences peuvent mal se dérouler. Il est important d’instaurer d’abord un dialogue entre le·s parent·s et l’enseignant·e. Le point le plus important ? Que l’enfant se sente en sécurité. Ensuite, il faut comprendre pourquoi une telle décision. Quelles sont ses forces ? Quels sont les points à surveiller ? Pourquoi l’école appuie cette décision ? Moins la décision se fait à la légère, mieux l’intégration chez les plus grands a des chances d’aboutir. C’est pour moi le point de départ. »
Thérésa, enseignante

Plutôt POUR Être sûr à 250 %

« J’ai fait sauter une classe à ma fille. Parce qu’elle y tenait. Pour elle, ça été un accompagnement assidu les premiers mois. D’abord à cause du décalage affectif, se retrouver la plus petite de sa classe à 9 ans, ça change beaucoup de choses. Et puis, la question des aptitudes a été très importante. Pour la première fois, elle a dû réinterroger sa façon de travailler pour acquérir de nouvelles notions. Avant, tout était facile pour elle. Elle s’est retrouvée dans une situation où il y avait bien plus de leçons, bien plus de devoirs et un temps plus intense de travail en classe. Ce sont des points à surveiller de près dès le début de l’année. Je connais quelques parents qui se sont dits : ‘C’est bon pour le mien, ça roule tout seul, je fais confiance, je laisse faire’, ça a été une grosse erreur. Plus qu’être convaincu que son enfant est prêt ou pas, il faut être prêt à l’accompagner à 250 %. Faire sauter une classe, c’est aussi beaucoup de boulot pour les parents. »
Sarah, maman de Clarence, 11 ans

Plutôt CONTRE Imaginer son futur proche

« On a proposé à mon fils, qui a refusé sans même émettre l’once d’un doute. Et encore aujourd’hui, il ne regrette pas le moins du monde. Il s’est épanoui dans une classe où il était le plus fort et où il pouvait aider ceux plus en difficulté. Alors, oui, parfois, il s’ennuie. Il nous le dit clairement. On a trouvé un arrangement avec sa maîtresse. Si elle voit qu’il tourne en rond, il a le droit d’aller rendre une petite visite dans la classe du dessus et de ramener des exercices. Il se met donc dans le fond de la classe chez les grands. Il observe. Il pose des questions. Et puis, il retourne dans sa classe, ravi de rapporter ses nouvelles découvertes à ses copains qui sont fascinés par ce à quoi va ressembler leur futur proche. »
Rudolf, papa de Mark, 10 ans

Plutôt CONTRE Veiller à l’estime de soi

« Nous sommes dans une situation un peu compliquée, suite justement à notre décision l’an passé de faire sauter une classe à notre fille Hélène. Décision que nous avons pris à la hâte. Sans vraiment y réfléchir. Sur le plan scolaire, aucun problème. C’est sur le plan de l’estime de soi que ça pèche. Hélène était la plus forte de sa classe et de loin. Elle était très en confiance, bien dans sa peau. Cette année, elle se trouve avec des élèves qui ont un très bon niveau. Elle suit, mais n’est pas la première. Elle met les bouchées doubles et travaille comme jamais elle n’a eu à le faire pour un résultat qui ne la satisfait pas. C’est très dur à vivre pour elle. En plus, elle qui était le pivot de sa classe, se retrouve d’un coup la plus petite. Un peu à l’écart, elle est traitée comme un bébé. Aux parents, n’oubliez jamais qu’à l’école, il n’y a pas que la question des bonnes notes qui compte. »
Élodie, maman de Hélène, 11 ans

CONTRE Enrichir la pédagogie

« Pour ma part, j’estime que sauter une classe, c’est aller un peu à l’encontre du projet pédagogique de l’école. Un enfant qui a d’excellents résultats et qui est en avance sur les autres, ça veut dire que tout fonctionne très bien. Pas besoin d’aller trop vite. Est-ce que c’est si grave de consolider les acquis une année de plus ? On va me sortir l’argument de l’ennui. Mais on peut enrichir la pédagogie. Donner des exercices plus complexes. L’enfant n’est pas excellent partout. On peut le faire travailler à un autre niveau. Et, de temps en temps, lui donner accès à une classe de double niveau. La question de la maturité affective d’un·e élève est primordiale. Il y a parfois un univers entier qui sépare un·e petit·e de 8 ans d’un·e autre de 10 ans. Accordez un peu de temps à votre enfant. Ce sont tous des petits génies, et aucun d’entre eux n’a besoin de faire la course. »
Suzy, enseignante

CONTRE Remonter le temps

« J’ai sauté deux classes. Je me suis donc retrouvée en secondaire à 10 ans ! J’ai passé une scolarité absolument infâme. J’avais la chance d’être grande, donc je me fondais dans le paysage. Mais je me suis toujours sentie loin de mes copains de classe. On ne regardait pas les mêmes films ou les mêmes dessins animés. On n’avait aucun centre d’intérêt commun. Je n’étais même pas la risée ou quoi, j’étais juste invisible. Mêmes les moins populaires ne m’adressaient pas la parole. J’étais à part. Condamnée à être assise à côté du prof dans le bus quand on faisait une sortie. À passer les cours de récré à lire des mangas. À écouter des sujets de conversation que je ne comprenais pas. C’est long pour une gamine tout ce temps seule. Aujourd’hui, je travaille de chez moi, je me sens toujours un peu exclue. Je dis toujours que si je pouvais remonter dans le temps, je ne sauterais jamais de classe. Et j’aurais plein d’ami·e·s. »
Alexia, 21 ans

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