Droits et congés
Parmi les parents séparés pour qui une contribution alimentaire a été décidée, un sur deux ignore l’existence du service des créances alimentaires, alias le Secal. Et pourtant, quand ça fonctionne, il permet de récupérer l’argent qui est dû au parent, en majorité des mamans, qui s’occupe de l’éducation de l’enfant.
« Ça m’a soulagée de savoir que jusqu’aux 18 ans de mon fils, j’aurai cette rentrée financière, 130 € par mois qui vont évoluer avec l’indexation. Soulagée aussi que tous ces calculs se fassent automatiquement, sans devoir avoir de longues discussions qui n’aboutissent à rien avec le papa de Naël ». Après son divorce, Pauline s’est retrouvée seule à éduquer son enfant, son ex-mari n’ayant plus le droit de nuitée.
À elle, donc, de payer tous les frais de la vie quotidienne : nourriture, logement, mais également piscine, baskets… Un sacré budget. Alors, elle se renseigne et découvre ces cinq lettres : Secal, pour Service des créances alimentaires. L’organisme public s’occupe d’aller chercher l’argent dû, mais également d’octroyer des avances sur ce qu’elle n’a pas perçu. Ce qui signifie que même si le papa n’est pas solvable, Pauline reçoit tout de même régulièrement un versement.
« En plus de ces mensualités, mon ex-mari a des dettes vis-à-vis de moi que le Secal fait en sorte de récupérer. Ce sont des sommes qui ne vont pas m’être données avant la fin de la procédure. C’est très compliqué, car c’est une personne qui a lâché son emploi et qui fait en sorte de ne plus être solvable. Donc, je ne sais pas très bien comment ils vont faire, mais, au moins, je sais que quelqu’un s’en occupe. Ils se battent pour moi. C’est agréable et ça soulage de ne pas avoir cette charge. »
Mais avant d’en arriver là, il a fallu se renseigner, remplir des dossiers, parfois bien compliqués. « Ce qui est dommage, c’est la mauvaise communication entre le Secal et la justice, relève la maman. Les avocats en affaires familiales suggèrent de ne pas faire justifier le jugement du divorce parce que ça coûte environ 300 € et qu’il est modifié régulièrement au fur et à mesure que les enfants grandissent. Mais pour le Secal, cette justification du jugement est obligatoire ».
Une difficulté qui allonge la procédure. Ainsi, entre le moment où Pauline a introduit sa demande et le premier versement, huit mois se sont écoulés. Heureusement, l’effet est rétroactif et, finalement, la maman a récupéré les sommes dues à compter du moment où sa demande a été introduite.
1 parent sur 8 abandonne, car trop compliqué
Ça, c’est quand tout se passe bien. Certains enfants peuvent même prétendre au Secal une fois devenus majeurs, ce qui leur permet d’avoir une bourse pour se lancer dans des études supérieures, par exemple. Mais ce n’est pas toujours aussi simple.
Ces procédures, certains parents n’en sortent jamais et finissent par abandonner. C’est le cas une fois sur huit selon une étude de la Ligue des familles. Exemple, Marie*, maman de Loïc et Anaëlle. Elle croule sous la paperasse pour essayer de récupérer les 200 € auxquels elle a droit chaque mois pour ses deux enfants.
« J’ai du mal à comprendre pourquoi le Secal et la justice ne communiquent pas directement entre eux. Le service me demande un tas de documents originaux que je leur ai déjà fournis et que je n’ai donc plus entre les mains. À chaque fois, je dois passer par mon avocate et ça me coûte 10 €. On est censé être des personnes précaires, des personnes qui ont besoin de cet argent. C’est pour cela qu’on se tourne vers le Secal, quand il y a un parent qui ‘foire’. »
Les parents ne sont pas les seuls concernés, certains enfants peuvent également prétendre au Secal une fois majeurs
Foirer. Derrière ce mot se cache tout le passé avec un ex-compagnon violent physiquement hier et économiquement aujourd’hui en ne versant pas l’entièreté de la somme qui figure dans le jugement. Juste assez pour que le Secal ne puisse intervenir. Voilà pourquoi Marie s’est tournée vers un huissier de justice pour une saisie.
Cette procédure différente de celle du Secal ne peut pas être menée en parallèle. Comprenez : c’est soit la saisie par huissier, soit le Secal. Et quand les documents se trouvent chez l’un quand on a besoin qu’ils soient chez l’autre, c’est un vrai labyrinthe administratif dans lequel Marie s’est complètement perdue.
« Au départ, j’ai dû fuir ma maison, car il était violent. Je n’avais déjà presque plus rien de matériel. Il a changé la serrure en déclarant un abandon de domicile alors que j’avais déposé une plainte à la police pour éviter cela. Mais ça n’a rien changé. Je n’ai jamais eu le droit de rentrer chez moi avant la saisie publique de la maison. »
Marie se retrouve d’abord dans un centre d’accueil pour femmes victimes de violences. Elle finit par trouver un appartement grâce à l’aide de ses parents pour constituer une garantie locative, s’alimente, elle et ses deux enfants, grâce aux colis alimentaires, cherche du travail, mais impossible de trouver dans son domaine, le secteur de la jeunesse, à cause des horaires. Finalement, Marie se reconvertit dans un secteur en pénurie : l’administration. Un comble pour celle qui n’en peut plus de ces procédures « secaliennes ».
Une violence économique
Ce témoignage montre comment un ex-partenaire violent peut continuer à mener la vie dure à une maman qui essaye de s’en sortir. Aux séquelles physiques et psychologiques s’ajoute une violence économique. C’est ce que souligne la secrétaire d’État à l’égalité des genres, Sarah Schlitz, dans son plan national de lutte contre les violences basées sur le genre.
« D’après une étude menée en 2019 pour l’asbl Solidarité Femmes en Fédération Wallonie-Bruxelles, 79% des femmes sondées victimes de violences conjugales subissent encore des violences après la séparation, celle-ci pouvant remonter à plus de cinq ans, peut-on lire dans le plan. L’étude montre que les violences peuvent également être d’ordre économique (par exemple, le non-paiement de la pension alimentaire). Si elles ne sont pas la cause des violences, les pensions alimentaires peuvent néanmoins devenir un facteur de réactivation de la crainte de les subir et de nouveaux passages à l’acte. »
Voilà pourquoi il est notamment prévu de simplifier les procédures. Du côté du cabinet du ministre fédéral des Finances, Vincent Van Peteghem, on affirme qu’elles sont en cours de simplification, notamment grâce à de nouveaux outils numériques en interne, une automatisation du calcul et la possibilité d’envoyer une copie numérique des documents originaux. Des avancées à condition d’avoir une bonne connexion et les outils qui vont avec.
*prénoms d’emprunt
FRAIS EXTRAORDINAIRES
Oui, si la somme exacte apparaît dans le jugement
S’il a le mérite d’exister, le Secal a encore une sacrée marge d’amélioration selon la Ligue des familles et les parents que nous avons interviewés. Avec un inconvénient qui revient très souvent : l’impossibilité de demander les frais extraordinaires. C’est ce que souligne Pauline.
« Ça se limite à la pension alimentaire du jugement et ça n’inclut pas les frais extraordinaires. Or, c’est vraiment ce qui est représentatif du coût de l’enfant : les stages, les vacances, les classes de mer à l’école, un appareil d’orthodontie… Le Secal ne peut rien faire là-dessus. Les montants des pensions alimentaires sont tellement ridicules qu’au final, il y a un énorme trou par rapport aux frais extraordinaires. »
Le Secal ne peut rien faire ? Ce n’est pas tout à fait juste. « Il peut intervenir dans les frais extraordinaires à condition que le montant exact soit indiqué dans le jugement et qu’il n’apparaisse pas sous forme de proportion », explique Jennifer Sevrin, chargée d’études à la Ligue des familles.
Par exemple, s’il est noté : « Un forfait de 100 € par trimestre en tant que frais exceptionnels », le Secal intervient. En revanche, s’il est stipulé « 50% de tous les frais de scolarité (voyages scolaires, excursions, frais de rentrée, etc.) », la demande sera refusée. Un non-sens dénoncé par la Ligue des familles qui réclame une révision de ce point.
EN PRATIQUE
Secal, mode d’emploi
Pour faire appel au Secal, les formulaires sont disponibles sur : finances.belgium.be
Les conditions pour faire appel au Secal sont :
- Être domicilié·e en Belgique.
- Attendre deux mois impayés sur la dernière année pour pouvoir demander son soutien.
- Avoir un « acte authentique », soit disposer, avant d’introduire sa demande, d’un document validé par un huissier de justice attestant de la décision de justice et fixant le montant de la créance alimentaire.