Vie pratique

Une intimité troublée pour les couples parentaux confinés

Avec le confinement, ce sont toutes les habitudes familiales qui se sont modifiées. Et le couple n’échappe pas à la règle : beaucoup de parents voient leur intimité affective et sexuelle changer.

Depuis le début du confinement, des bruits courent sur ses éventuelles conséquences dans l’intimité des couples. On parle de baby-boom ou, à l’opposé, de divorces post-confinement. Faut-il les croire ? Certainement pas trop vite. De telles répercussions dépendent d’un nombre trop important d’autres facteurs.

Comme le révèlent les témoignages de Caroline et d’Antoine (voir encadré), le confinement n’est effectivement pas sans effet. Ces longues heures passées ensemble engendrent-elles une activité sexuelle différente pour les couples parentaux ? Pourquoi ? Des facteurs pourraient-ils l’expliquer ? Marie Géonet, docteure en psychologie et chargée de cours à l’UCLouvain et la Haute-École Vinci, nous éclaire sur ces points.

Un désir qui dépend du contexte

Globalement, à l’heure actuelle, personne ne sait quantifier les effets du confinement sur la sexualité de chacun.e. La situation est inédite et provoque des réactions distinctes selon les individus. Marie Géonet pointe néanmoins quatre facteurs qui peuvent impacter notre désir pour l’autre.

« Un premier facteur est celui du contexte de confinement : chaque famille, chaque couple, vit le confinement de manière très différente. Si les deux conjoints sont en télétravail à temps plein et confinés avec trois enfants en bas âge, l’incidence sur la sexualité ne sera pas la même que si le couple vit avec des adolescents et que l’un travaille moins. Dans le témoignage de Caroline, la majorité de son temps est consacrée à la gestion de ses enfants. Dès lors, le soir, les parents ont envie d’être tranquilles chacun de leur côté. 

Un deuxième facteur, c’est le stress. De manière générale, celui-ci ne se vit pas de la même manière dans tous les couples. Chez certains, il va freiner le désir. Chez d’autres, il suscite un besoin de se sentir proche de l’autre.

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Troisièmement, notre désir pour l’autre dépend de l’état de la sexualité avant l’évènement à caractère traumatique. Classiquement, quand un bouleversement vient se greffer sur une relation de couple dont la sexualité est compliquée, il risque de mettre en évidence des failles qui étaient déjà présentes avant. À l’inverse, pour les couples qui fonctionnaient bien, il peut venir consolider l’amour.

Enfin, j’émettrai l’hypothèse d’un quatrième facteur : l’absence de manque. Lorsque l’on est en permanence avec son conjoint ou sa conjointe, matin, midi et soir, cela peut donner naissance à une lassitude érotique. Nous savons que l’attirance se nourrit aussi du manque. »

Éviter de s’inquiéter trop vite

Ces facteurs nous permettent d’intégrer que notre désir sexuel ne dépend pas uniquement de notre volonté personnelle. Marie Géonet nous invite d’ailleurs à être plus tolérants par rapport à nos capacités physiques et à ne pas trop s’inquiéter.

« Les couples qui doivent gérer de front le télétravail, les devoirs, les enfants, le ménage, etc., risquent davantage d’être en souffrance au niveau de l’intimité. C’est normal. Ils n’ont pas le temps. Souvent, face à des situations exceptionnelles de vie comme le confinement, une sorte de ‘tri’ des activités des couples se fait naturellement et le sexe est mis de côté plus facilement. »

La psychologue reprend l’exemple de Caroline : « Le fait qu’elle s’inquiète, car elle a l’impression de ne pas être dans son mode habituel, c’est bon signe pour la suite de sa vie sexuelle. Nous sommes dans une période particulière de survie. Je ne serais pas inquiète outre mesure, en tous les cas pas maintenant. Parmi les expériences que je connais de couples​ qui vivent ​des épreuves de vie stressantes ou difficiles, ils ne se plaignent pas d‘un manque de sexualité pendant l’évènement en question, mais une fois que celui-ci est derrière eux. Donc l’enjeu, c’est peut-être davantage de voir comment la sexualité reprendra après le confinement ».

Ménager son couple

Le confinement a donc un impact sur notre intimité. L’enjeu consiste à la préserver au mieux. À ce propos, Marie Géonet donne trois conseils utiles :

► Rassurer les personnes qui expérimentent une baisse de désir, qui ont une sexualité moins active. On est dans un contexte qui peut l’expliquer.
► Veiller à rester dans la tendresse, dans la notion de contact avec l’autre, même si cela ne débouche pas sur quelque chose de l’ordre de l’érotisme. Ce n’est pas parce qu’on manque de contacts physiques sexuels qu’on doit prendre de la distance au niveau corporel. L’idée est d’éviter qu’un fossé se crée et se creuse au niveau physique avec le partenaire. C’est important de rester proche de l’autre.
► Essayer malgré tout, et dès maintenant, même si ça n’est pas évident, de prendre du temps à deux pour discuter, communiquer. Tenter de s’accorder ce moment une à deux fois par semaine. Le mode « off » est attirant, mais c’est important de trouver des instants pour parler de tout, de rien. Être là pour l’autre. On peut mettre les enfants au lit un peu plus tôt, faire un petit souper romantique avec des bougies, un bon verre de vin et tenter de comprendre comment l’autre se sent dans la situation, voir ce qui lui manque par rapport au couple, etc. Ce n’est pas évident, mais c’est possible en aménageant un petit peu l’environnement.

Avec l’aide de ses enfants ?

Des enfants peuvent aussi participer au bien-être de leurs parents en tant que couple. C'est le cas d’Amélie et de Mathieu, parents de quatre enfants de 7, 9, 12 et 13 ans.

« Vendredi soir, nos enfants nous ont organisé un dîner en amoureux. C'était mignon comme tout parce qu'on ne s'y attendait pas du tout. Mon mari venait d'avoir une journée super compliquée à cause du boulot. Quand on est arrivé le soir, il y avait un menu avec un petit mot nous expliquant qu'ils avaient cuisiné, qu'on prenait l'apéro en famille et puis qu'ils avaient préparé un repas rien que pour nous, car on n'avait pas passé de soirée en amoureux depuis longtemps. Ils nous l'ont donc proposée. C'était super bon, comme un restau, vraiment ! C'était vraiment sympa. »

Certes, des cadeaux de ce type ne peuvent pas se faire avec des enfants en bas âge. Mais ne gagnerait-on pas à montrer dès le début à nos enfants que tous les parents ont besoin de moments amoureux à deux ? En leur inculquant cela, nous mettrions non seulement les chances de notre côté pour recevoir plus tard des cadeaux comme celui d’Amélie et de Mathieu, mais nous nous obligerions aussi à consacrer du temps pour l’autre et à soigner sa casquette de partenaire tout en étant parent.

Des parents en parlent

On est ensemble, mais on se voit peu

« Je m’appelle Caroline, je suis maman de deux enfants. L’un a 13 mois, l’autre 4 ans. Je n’ai pas fait l’amour depuis le confinement. Cela fait plus d’un mois. Je n’ai plus de libido et cela me pose beaucoup de questions. Je n’ai pas l’impression d’être une mauvaise partenaire, mais nous sommes dans une phase de couple peu stimulée et stimulante. J’aimerais être plus disposée, mais, à la fin de la journée, je suis épuisée. Mon compagnon est en demande, il essaie de temps en temps (et tant mieux, sinon je serais contrariée), reste très gentil et respectueux, nous en parlons ensemble, mais moi, je ne le sens pas. Nous sommes dans la gestion des enfants, des courses, de qui travaille quand, etc. Paradoxalement, alors qu’on est tout le temps ensemble, on se voit très peu. Ce ne sont pas des moments de qualité. Et je reste préoccupée : un mois sans faire l’amour, c’est long ! J’aimerais savoir si d’autres couples vivent les mêmes difficultés intimes que moi. »

Moins de contraintes, plus de sérénité

« Je suis Antoine, compagnon de Mickaël. Nous avons une petite fille de 2 ans et demi. Depuis le confinement, notre couple va mieux. D’habitude, on se fâche souvent l’un contre l’autre, on est stressé, on ne prend pas le temps de parler. On doit conduire notre fille tôt pour la crèche, travailler, récupérer l’enfant, rentrer, l’occuper, la laver, la faire manger, puis la coucher à 19h. D’habitude, le soir, on est complètement HS et on regarde des séries. Tous nos week-end sont planifiés des mois à l’avance et on prend peu de temps pour se poser. Depuis le confinement, nous sommes beaucoup plus sereins. Nous avons moins de contraintes vis-à-vis de l’extérieur même si nous travaillons toujours à temps plein. On a raccourci les siestes de notre fille pour la mettre au lit plus tôt, vers 19h, et ainsi nous avons nos soirées pour nous. Tous les deux jours, on se prépare un apéro. Ce qui est fou, c’est qu’on ne regarde presque plus la télé ! On profite d’être dehors, de discuter, on réfléchit à des futurs projets, etc. Et notre couple va mieux. Sexuellement, c’est comme d’habitude, mais affectivement, nous sommes heureux de nous être retrouvés. »

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