Vie pratique

Déménager ou se séparer : quand le foyer change de toit

L’architecture, que ce soit celle de la maison ou celle de la famille, peut changer. Et cela mène au déménagement. À quoi peut-on être attentif quand on déménage ? Réponse de parents et de psy.

C’est mercredi, l’heure de la sieste pour la petite Camille, 3 ans. « Ah, on rentre à la maison de Bruxelles ? ». Voilà deux semaines qu’elle, son petit frère de 1 an et leurs parents (Aurélie et Mathieu) ont déménagé.

Il a fallu un petit temps d’adaptation pour les marmots. Surtout que la maison dans laquelle la famille a emménagé était connue de la petite Bruxelloise. « C’est la maison d’Eliott, pas ma maison ».

« Elle dit ça car elle connaissait la maison auparavant, explique la maman. Si on avait été dans une autre maison, je ne crois pas qu’elle aurait fait ce genre de réflexion. »

La petite n’a pas tout à fait tort. La famille a emménagé dans cette maison de manière transitoire. « On cherche à acheter depuis deux ans mais on ne trouve pas, raconte Aurélie. On était dans un appartement deux chambres et avec le confinement, les deux enfants, le télétravail, c’était devenu impossible. On a donc décidé de louer cette maison qui appartient à des amis en attendant de trouver une maison à acheter qui nous convienne. C’était ça ou le divorce ! ».

Pour les enfants comme pour les parents, il a donc fallu s’adapter. Et quand on change de ville ou de village, ce n’est pas rien. « Changement d’école, changement de maison, rentrée scolaire… on les a cumulés, mais je ne crois pas qu’ils l’aient mal vécu », répond la maman.

Recréer des rituels

Qu’il y ait un peu de tension serait bien normal. « Les déménagements font partie des événements de vie les plus stressants, explique Sarah Galdiolo, professeure à l’UMons et psychologue clinicienne. C’est une transition de vie, car ça demande une charge mentale et physique qui est vraiment conséquente. On doit se repérer dans des lieux, recréer des rituels… le monde continue de tourner ».

Chez Camille, on voit quel la sieste lui a rappelé son ancienne maison. « Certaines routines peuvent être remises en place car elles sont rassurantes, sécurisantes, répond Sarah Galdiolo. Mais peut-être que d’autres seront abandonnées ou vont évoluer. Garder les règles et les rituels mordicus car c’est rassurant n’est pas toujours adapté. Une transition peut être l’occasion d’aller vers quelque chose de différent, plus adapté à l’âge de l’enfant, aux parents (individuellement ou plus globalement) et au lieu. C’est donc le moment de faire le tri entre ce qui a du sens ou non ».

C’est ce qu’a choisi de faire Julie, la maman de Maud, 3 ans. Elle vient de se séparer du papa et a quitté la maison familiale pour s’installer avec sa nouvelle compagne, Anne-Sophie, dans une maison à Ottignies où loge également un autre enfant  en garde partagée.

« Nous avons recréé une partie des choses que Maud connaît, mais pas à l’identique. On s’est dit que reproduire le schéma qu’elle avait dans son ancien foyer aurait été encore plus perturbant pour elle. On a gardé certains de ses objets de décoration à des places spécifiques pour créer des repères. Mais plutôt que de lui dire ‘Regarde, je te montre ça’, je la laisse vagabonder et découvrir seule. »

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Laisser l’enfant choisir certaines choses

Laisser à l’enfant une partie de maîtrise sur son nouveau lieu peut être rassurant pour lui. Par exemple, et si c’est possible, lorsqu’il s’agit de choisir la couleur de sa chambre.

« Lui donner un peu de contrôle de la situation pour qu’il ne se sente pas comme un objet qu’on ballotte, explique Sarah Galdiolo tout en nuançant. On peut lui laisser le choix de certains éléments, mais le projet global est encadré par le parent. Et puis, ce n’est pas toujours possible de préparer l’enfant, d’anticiper. Parfois, on n’a pas le choix, on doit s’en aller et c’est comme ça. »

Exemple chez Julie. « J’avais lu beaucoup de choses comme quoi il faut prévenir l’enfant, préparer le déménagement avec lui. Je n’ai eu le temps de ne rien faire de tout cela. Maud est partie en vacances avec son papa. Quand elle est revenue, elle était dans la nouvelle maison. Elle l’a apprivoisée ainsi et plutôt bien. Elle a très vite bien dormi, sans aucune terreur nocturne, par exemple ».

La maman est aujourd’hui rassurée. « Avant le déménagement, on a l’impression qu’on va imposer de gros changements à son enfant. J’ai l’impression qu’à partir du moment où le parent est épanoui et content de son projet, l’enfant va suivre et ça ne peut que bien se passer ».

S’exprimer et être à l’écoute

La contagiosité émotionnelle, c’est un phénomène décrit par notre psychologue de l’UMons. « Pour beaucoup de parents, c’est angoissant, un déménagement. Ça peut être transmis aux enfants ». Pour éviter cela, Sarah Galdiolo propose d’expliquer son ressenti en tant que parent.

« Expliquer pourquoi on déménage et ce que cela crée chez soi avec des mots à hauteur d’enfant. La contamination émotionnelle, elle se fait quand on ne comprend pas. Si on sent de l’agitation chez notre parent, ça nous agite aussi. »

Dans l’autre sens aussi cela peut arriver. Voilà pourquoi Sarah Galdiolo propose d’être à l’écoute de son enfant… à condition qu’il ait envie de parler. « On ne va pas le forcer à exprimer ses émotions. Ça ne sert à rien d’interpréter la moindre de ses paroles ». Le parent n’est pas un psy.

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Lire des histoires sur le sujet, sans intellectualiser

Pour faciliter les choses, Sarah Galdiolo préconise la littérature. « On peut utiliser un média tel qu’un livre pour expliquer les choses indirectement. Si on lit une histoire sur le déménagement ou le divorce, par exemple, ça peut aider, mais il vaut mieux ne pas intellectualiser après la lecture, ne pas répéter la morale de l’histoire en essayant de faire des parallèles avec la vie de famille. Mieux vaut plutôt laisser l’enfant digérer, voir ce qu’il en fait. Rester dans l’histoire ».

Un dernier conseil pour la route (et on pourrait vous le donner pour chaque sujet dans le Ligueur) : lâchez-vous la grappe ! Vous êtes stressés ? C’est O.K. Vous n’avez pas eu le temps de trouver le livre sur le déménagement ? Pas grave. Les murs ne sont pas repeints avant le jour J ? Ce sera pour plus tard.

« Dans notre société, les réseaux sociaux nous envoient le message qu’il faudrait une sorte de concordance entre ce que nous sommes, la manière dont nous nous voyons et ce que nous faisons dans le quotidien, que cette possibilité est à portée de main de vivre là où on a envie de vivre, comme on a envie de vivre, a remarqué Sarah Galdiolo. C’est évidemment très idéal, mais c’est illusoire, ce n’est pas toujours la réalité. Et cela peut amener de la détresse. On peut accepter cette frustration. »

EN PRATIQUE

Deux chambres pour un seul enfant

Quand les parents se séparent et se partagent l’hébergement de l’enfant, celui-ci se retrouve bien souvent avec deux chambres. Elle peut être individuelle ou partagée avec un autre frère, une autre sœur. Les règles ne sont pas forcément les mêmes. D’un côté, il faut peut-être garder la chambre en ordre, de l’autre, c’est plus cool. Et il n’y a pas de souci avec ça.

« C’est faux de penser que les deux parents vont avoir un fonctionnement similaire, explique Sarah Galdiolo. Bien sûr, au début, c’est peut-être un peu compliqué, le temps de l’adaptation. Mais assez rapidement, on observe que les enfants comprennent qu’il y a des fonctionnements et des règles un peu différentes. Verbaliser cela avec les enfants peut être bien. Verbaliser les similarités aussi, car il y en a souvent. »

Vous pouvez donc faire confiance à vos enfants. « En cas de divorce, les études montrent que, globalement, si on n’est pas dans un énorme conflit, les enfants ont une bonne capacité d’adaptation ».

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