Développement de l'enfant

La petite enfance vue par une grande dame

Nous avons appris avec tristesse le décès, cet été, de la psychologue clinicienne Monique Meyfroet. Une grande dame du monde de la petite enfance et de l’enfance. Si passionnée par son travail et tellement passionnante. Au sens de l’observation tendre et aiguisé, aux intuitions brillantes. Nous avons eu envie de replonger dans les articles du Ligueur et du Ligueur et mon bébé où nous lui avions donné la parole. Morceaux choisis.

Votre bébé a sa part de mystère

« Chaque bébé a sa manière de percevoir le monde qu’il construit lentement.
C’est vrai qu’on est très intéressé par son enfant, qu’on a très envie de tout partager avec lui. Mais, justement, je pense qu’il ne le faut pas. Il y a une forme de pudeur à avoir par rapport à la pensée de son enfant, par rapport à sa pensée intime, émotionnelle aussi. Au même titre que nous, on n’a pas toujours envie de dire ce qu’on pense aux autres.
Il ne faut pas que son bébé devienne transparent. On a envie de s’y intéresser, c’est sûr, on a envie de l’encourager, c’est important. Mais il ne s’agit pas de tout comprendre chez lui, de tout s’approprier de lui.
Tout n’est pas interprétable chez son bébé. Je pense que c’est bien qu’il ait et garde sa part de mystère, cela lui appartient en propre.
On ne comprend pas tout de son enfant ? On a peur de mal faire ? Mais l’enfant a aussi besoin de comprendre qu’on tâtonne. Cela fait partie de ce qui va l’aider à avancer par essais et erreurs, ce qu’il fait d’ailleurs très naturellement comme tout chercheur : il essaie, il cherche.
En tout cas, si on devait avoir une intention à son égard, cela devrait être celle du plaisir partagé. Accompagner son bébé, ce n’est pas être dans les ‘Ah, il a fait ça parce que ceci ou parce que cela…’, c’est être dans l’émerveillement du plaisir partagé, de la connivence, voire du déplaisir ressenti ensemble. »

► À (re)lire dans l’article « Jeter une fois, deux fois… dix fois, votre bébé adore ça ! » (Le Ligueur et mon bébé n°9 mois)

Un répertoire de relations variées

« Toutes les relations, pour autant qu’elles soient significatives – et donc, pour autant qu’elles soient vécues dans la continuité et avec des personnes adéquates telles que les puéricultrices de la crèche –, sont un plus pour l’enfant.
Je pense que beaucoup de bébés profitent de la crèche.
Les puéricultrices risquent moins que les parents de se laisser déborder par les bébés, d’être au bord de la crise de nerfs, elles ont une connaissance et une expérience qui leur permettent d’accepter un certain nombre de choses. Un enfant qui est ‘insupportable’ parce qu’il touche à tout, le sera sans doute moins à la crèche qu’à la maison où il y a plus de ‘tentations’ et où il a une grande envie de vérifier la cohérence des attitudes de ses parents. L’expérience est plus ‘paramétrée’ à la crèche et la tolérance à ce que l’enfant y fait n’est pas la même qu’à la maison.
Cela donne un répertoire de relations variées au bébé : avec papa, avec maman, avec les puéricultrices de la crèche…
Dans cette palette de relations, il y a aussi les grands-parents. Et les frères et sœurs. Ce sont souvent les grands qui sont intéressés par les petits : avec un petit frère ou une petite sœur, on a la chance de rejouer à des jeux auxquels on ne jouerait plus tout seul ! Les petits, quant à eux, observent avec admiration et passion ce que font les grands. »

► À (re)lire dans l’article « Mon bébé est curieux de tout, il a des yeux partout » (Le Ligueur et mon bébé n°10 mois)

Votre enfant imite vos gestes, mais pas seulement…

« L’imitation est une manière de s’identifier à l’autre. On fait comme l’autre et c’est comme si on prenait la place de cet autre. C’est un exercice intéressant pour l’enfant parce que, quand il imite un de ses parents, cela implique plus que des gestes, cela englobe aussi des intentions et des émotions : l’enfant essaie de ressentir ce qu’il pense que le parent ressent. Bien sûr, on ne peut pas interroger un petit enfant à ce sujet, mais faire comme le parent, cela veut dire pour lui : être dans un état émotionnel qu’il décode comme étant proche de celui que le parent doit connaître. Il restitue ce qu’il perçoit être dans la relation, une manière d’être dans la relation à l’autre. »

► À (re)lire dans l’article « Quel talent pour vous imiter ! » (Le Ligueur et mon bébé n°15-17 mois)

Que cache le jeu de cache-cache ?

« L’enfant veut se cacher, vous lui dites ‘Ah, tu te caches, c’est une bonne idée’, il fait quelque chose, vous faites quelque chose, il refait quelque chose… Vous voilà dans une série d’interactions qui s’enchaînent, dans une suite de cercles de communication. Vous êtes dans une forme de conversation : ‘Ce que je fais a une action sur toi, et ce que, toi, tu fais a une action sur moi, action à laquelle je réponds…’ Plus on associe des cercles de communication, plus on développe la relation, et son intelligence aussi. Car si l’autre vous dit ‘Non, je ne joue pas’, soit vous devez arrêter de jouer, soit vous devez trouver une manière de le faire quand même jouer. Vous devez devenir imaginatif, créatif : cela fait tricoter les neurones… Ces cercles de communication se construisent bien plus tôt (ndlr : bien avant 15-17 mois), aux alentours de 8 mois déjà, mais maintenant ils se solidifient, se complexifient. »

► À (re)lire dans l’article Quel talent pour vous imiter ! (Le Ligueur et mon bébé n°15-17 mois)

Quand c’est non, c’est non !?

« Le non est sans doute le mot que les parents emploient le plus à ce moment-là (ndlr : quand l’enfant a presque 2 ans). Parce que l’enfant fait beaucoup d’expériences sur le plan moteur et que les parents ont beaucoup de raisons d’avoir peur : ils vont plus vite dire non !
Mais le non marque aussi une différence entre les volontés des uns et des autres. Si on dit oui, on est dans le même, on ne prend pas conscience de son identité, de sa volonté différente. En disant non, l’enfant prend conscience de ses désirs propres, il les affirme. C’est pour cela qu’il dit non même à des choses qu’il aime bien. ‘Tu veux manger des carottes ? – Non… parce que JE veux manger des carottes !’ Or, répondre oui reviendrait en quelque sorte à dire seulement : ‘J’accepte ce que toi, tu veux.’ 

À (re)lire dans l’article « Ça bouillonne dans sa tête… » (Le Ligueur et mon bébé n°21-23 mois)

Un tumulte… passionnant !

« Quelle complexité et quel tumulte dans la tête d’un enfant de 2 ans ! Un tumulte passionnant… C’est génial si ses parents peuvent encourager l’expression de ce qu’il vit (de difficile ou de plaisant). Pas seulement par des mots, mais aussi par des jeux.
Je pense à un petit à la crèche pour qui le temps était long avant l’arrivée de sa maman. J’ai commencé à jouer avec lui en faisant rouler une balle de moi à lui. Au début, il s’en débarrassait. J’ai continué jusqu’à ce qu’il me renvoie la balle. La balle part, la balle revient… Comme sa maman qui allait revenir. On était en plein dans le symbolique.
Ce qui est important, c’est moins les jeux qu’on propose aux enfants que ce qu’on fait avec eux. Les enfants ont besoin d’adultes qui jouent avec eux. À la limite, peu importe le jeu – on peut jouer à cache-cache, faire une promenade, lire un livre –, c’est un partenaire de jeu dont ils ont besoin. »

La phase des pourquoi

« La phase dite des pourquoi se situe aux alentours de 3 ans. Mais elle peut débuter plus tôt ou plus tard. Il y a, en fait, de grandes variations d’un enfant à l’autre, selon les individualités. (…)
Le jeune enfant fonctionne par observation, il observe des choses dont il ne comprend pas les tenants et les aboutissants. Logique, dès lors, qu’il demande pourquoi et comment les choses se font. Mais encore faut-il que ses parents acceptent d’être questionnés, qu’ils jouent le jeu de la réponse ! La curiosité amène l’enfant à poser des questions. Les réponses de ses parents le nourrissent… et l’amènent à poser encore plus de questions. »

► À (re)lire dans l’article « Ces questions sans fin » (Le Ligueur n°15 du 26 août 2020 - pages dédiées aux 2-6 ans)

Jouer seul, ce n’est pas être isolé

« Être seul, ce n’est pas être isolé ou ne pas avoir envie d’être avec les autres. Pour pouvoir être et jouer seul, il faut avoir intégré qu’on peut compter sur l’autre, il faut avoir une sécurité intérieure. Cette sécurité intérieure se construit d’abord dans la relation à l’autre : on sent que, même s’il n’est pas là, l’autre peut être là, on l’a à l’intérieur de soi. »

► À (re)lire dans l’article « Leur imagination est au pouvoir » (Le Ligueur n°10 du 12 mai 2021 - pages dédiées aux 3-6 ans)

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